Framablog - Archives (mars 2012)

Issu du monde éducatif, Framasoft est un réseau de sites web collaboratifs à géométrie variable dont le dénominateur commun est le logiciel libre.

Le: 30 03 2012 à 09:05 Auteur: aKa

Quand l’article de Numérama Contribuer à Wikipédia c’est aussi enrichir Orange fait réagir notre ami Gee

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

Le: 23 03 2012 à 11:48 Auteur: aKa

Tristement révélateur de notre époque et de la collusion culture consommation : Le ministère de la Culture transforme la Carte Musique en jeu concours.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

La super offre pack dont il est question ci-dessus est à consulter ici :)

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

Le: 16 03 2012 à 12:49 Auteur: aKa

Cela ne vous empêchera pas de dormir mais sachez que Deezer est désormais accessible dans toute l’Europe.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

Le: 14 03 2012 à 09:18 Auteur: aKa

Tristan Louis se définit lui-même sur son site comme un vétéran d’Internet, ce que confirme son article Wikipédia. Il sait donc de quoi il parle lorsqu’il décide aujourd’hui de sonner l’alarme.

Les réseaux sociaux, les applications pour mobile… participent à un dangereux mouvement de fermeture[1]. Il faut tout faire pour ne pas avoir à dire dans quelques années : « l’Internet, c’était mieux avant ! ».

The U.S. Army - CC by

J’ai tué Internet

I killed the Internet

Tristan Louis - 3 mars 2011 - TNL.net
(Traduction Framalang/Twitter : Evpok, @ThibowM, @KarmaSama,Giljåm, @nico3333fr,@0ri0nS, M0tty, LGr, Gatitac)

J’ai tué Internet.

Ce n’était pas volontaire, mais c’est le résultat direct de mes actes. Je vais vous raconter comment c’est arrivé.

Internet

Autrefois il y avait beaucoup de réseaux privés. À cette époque, avant l’avènement d’Internet, pour pouvoir communiquer avec les utilisateurs d’un service en particulier, il fallait y être inscrit. Chaque service gérait ses propres silos[2] et avait sa propre culture : certains étaient spécialisés dans les affaires (par exemple CompuServe), d’autres se concentraient sur les consommateurs (comme AOL) ; certains étaient soutenus par de grandes entreprises (comme Prodigy), d’autres par de nouveaux arrivants dans le monde de l’informatique (comme eWorld). Mais aucun d’entre eux ne communiquait réellement avec les autres.

Pendant ce temps, une technologie de type et d’approche différente émergeait lentement. Issues de la peur durant la guerre froide que les communications centralisées puissent être coupées si une bombe nucléaire détruisait les serveurs hébergeant les communications. Les technologies d’Internet ont été conçues pour créer des connexions entre les différents réseaux, permettant de voyager d’un réseau à un autre sans rencontrer d’obstacle (d’où le terme inter-net qui signifie entre les réseaux). En cours de route, cela a également généré une philosophie différente : afin de participer au réseau et de voir d’autres réseaux transporter du trafic à partir et vers le vôtre, vous deviez accepter de faire la même chose pour tous les autres réseaux, sans discrimination, quelles que soient l’origine et la nature du trafic sur ce réseau.

Internet se développa d’abord en tant que projet militaire, mais la recherche était faite par des entreprises privées en partenariat avec des universités. Ainsi, ces ensembles commencèrent à s’interconnecter à la fin des années 60 et les ingénieurs ajoutèrent de plus en plus de technologies au réseau, le rendant de plus en plus utile, passant de l’échange de fichiers à la gestion de courriels, de groupes de discussion et finalement au web.

Quand Tim Berners-Lee a inventé le web, il n’a pas voulu le faire breveter, il a préféré partager son invention du http, des navigateurs, des serveurs web et du HTML avec le reste de la communauté Internet (c’est du reste assez incroyable qu’il ait inventé et présenté tous ces composants en même temps). Au fil des ans, la communauté les a améliorés, et a partagé ces améliorations avec le reste d’Internet. Ceux qui décidaient de construire des modèles propriétaires pour leurs services étaient en général méprisés et leurs idées n’avaient que peu de succès.

L’âge d’or

En ajoutant une couche graphique – le world wide web – à Internet, celui-ci a commencé à croître de plus en plus vite, forçant tous les silos à s’ouvrir ou à mourir. CompuServe a été le premier, suivi d’AOL et de Prodigy. La facilité d’utilisation d’AOL a permis à des millions de personnes d’accéder aux ressources d’Internet, alors que les difficultés techniques de l’utilisation de CompuServe l’ont perdu (ce qui a conduit à son acquisition par AOL) et l’arrivée tardive de Prodigy dans le monde d’Internet l’a rendu vulnérable à une acquisition par Yahoo, qui a fini par tous les supplanter.

Les deux décennies suivantes ont fait passer Internet d’un lieu où traînaient seulement des geeks au système de communication incontournable que nous connaissons aujourd’hui. En 1995, AT&T lança un forfait Internet appelé Worldnet, qui força tous les fournisseurs d’accès à se convertir au modèle d’accès Internet illimité à prix unique. Cette innovation avait pour but non seulement de se différencier mais aussi d’étouffer les concurrents d’AT&T car celui-ci possédait déjà une infrastructure suffisante pour s’assurer que le trafic lui coûterait moins cher qu’à tout autre FAI.

Entre-temps, plusieurs services ont fourni une infrastructure peu coûteuse pour héberger un site web, permettant à n’importe qui ayant un minimum de connaissances de créer un nom de domaine et de proposer ses produits en ligne. Dans cet environnement équitable, l’argent n’était pas un problème pour démarrer, et un site comme TNL.net (NdT : celui de l’auteur) avait les mêmes droits sur Internet que les plus grandes entreprises comme IBM, Gen­eral Electrics, Esso, ou Microsoft.

Dès lors, à partir de 1995, la logique d’Internet se retrouva fondée sur deux principes : toutes les ressources étaient disponibles pour tous à un prix unique et ceux qui avaient la volonté de travailler dur pouvaient réussir et, de là, construire une entreprise florissante.

De sombres nuages

Mais ces beaux jours ne sont jamais assez loin pour des gens qui préfèrent que l’équilibre des forces penche en leur faveur. Innocemment au début, mais de plus en plus souvent, de nouveaux silos ont commencé à apparaître.

Au début, ces silos semblaient inoffensifs parce qu’ils étaient petits et que le reste d’Internet était bien plus gros qu’eux. Mais à l’instar d’un petit trou dans un barrage qui, au départ, semble bénin, la pression commença à monter et au final conduisit à l’augmentation du nombre de zones autour d’Internet où le trafic ne passait que dans un sens, vers ces communautés, mais sans jamais en revenir. Par exemple, sur Facebook, ce qui suit est devenu plus courant quand on nous signale quelque chose sur le net :

I killed Internet

En d’autres termes, Facebook a jugé préférable d’intercepter le lien externe en essayant de vous faire installer une application qui vous ferait rester dans leur pré carré, comme souvent avec les applications qui permettent d’accèder aux réseaux sociaux :

I killed Internet

À chaque fois que quelqu’un installe l’une de ces applications, il déplace tout partage qu’il a de son histoire de ce site vers les silos1 privés de Facebook. Maintenant, vous avez deux options quand vous cliquez sur un lien : soit vous installez l’application et ainsi vous prenez une part active au lent démentelement d’Internet, soit vous décidez de ne pas lire cette histoire. Facebook a pleinement réussi à faire en sorte que partager un lien en dehors de Facebook soit si difficile qu’il s’assure que le trafic ne va jamais aller que vers Facebook.

Mais ce n’est pas que l’apanage de Facebook. Par exemple quand je reçois un message LinkedIn, on me demande de cliquer sur un lien « Voir/Répondre à ce message ». Pourquoi donc ? Ce message est dans ma boîte-mail, je peux le lire en entier, et je peux y répondre en cliquant sur le bouton « Répondre » de mon client mail :

I killed Internet

Ce lien est utile pour LinkedIn, pas pour moi en tant qu’utilisateur, puisque toutes les fonctionalités dont j’ai besoin sont juste là, dans mon client mail.

Autre exemple, prenons Path, le nouveau meilleur ami des réseaux sociaux. Path est un réseau social pour mobiles (pensez à Facebook pour votre smartphone) et son site propose un bouton pour se connecter (pour en savoir plus sur la raison de l’absence de liens vers Path dans cette entrée, voir « Allez-vous le ressuciter ? » plus bas). Mais quand vous vous connectez, l’univers de Path est très limité. C’est ci-dessous, sans rire, la page où j’atterris quand je me connecte à travers leur interface web :

I killed Internet

Pas de contenu ici, au-delà de mes préférences. Je ne peux pas avoir accès aux données que j’ai créées sur mon appareil mobile, ou celles créées par d’autres personnes sur les leurs. Je ne peux pas non plus partager sur le web des choses que j’ai créées sur mon mobile… et personne ne semble trouver à y redire.

Comment j’ai tué Internet

Quand je l’ai remarqué il y a quelques mois, je n’y ai pas trop réfléchi. J’ai pensé que c’était une fonctionnalité d’une bêta qui n’avait pas encore de contenu en ligne. Et donc j’ai continué à utiliser le service. Mais finalement, l’impossibilité de partager sur le net m’a fait tiquer car j’ai réalisé que j’étais captif de Path. J’ai arrêté d’utiliser ce service.

Mais ce que je n’ai pas fait, c’est arrêter d’utiliser les nombreuses autres applications qui fonctionnaient sur mon téléphone Android (cela serait tout aussi vrai si j’avais utilisé un iPhone). J’ai continué à utiliser une application dédiée au Kin­dle d’Ama­zon, une autre pour son lecteur MP3, encore une autre pour Google Cur­rents, ou pour Drop­box, Ever­note, Face­book, Flickr, Foursquare, etc. J’étais d’accord pour obtenir seulement quelques petits morceaux du web empaquetés et prémâchées sur mon mobile. Je n’ai pas demandé à ces mêmes sites de développer une version web ouverte qui fonctionnerait dans un navigateur de façon à ce que je puisse moi-même choisir le périphérique d’accès à leur contenu.

Je n’ai pas tiqué quand j’ai eu à réinstaller ces applications sur un autre périphérique, lorsque j’en ai changé. Et quand j’ai vu qu’un de ces périphériques ne supportait pas l’application, je n’ai pas blâmé le créateur de l’application mais la plateforme pour ne pas avoir aidé le développeur. J’ai opté pour plus de fragmentation dans ce qui était disponible pour tout le monde parce je devais avoir le dernier « jouet à la mode » au lieu de demander à ce que tout le monde fasse le choix, plus difficile, de travailler ensemble.

Quand il manque une fonctionnalité au web, je ne cherche pas un moyen de régler cela en utilisant la capacité que ce materiel offre mais je m’en détourne et dis « abandonnons le web et utilisons les applications à la place ». Je n’ai pas poussé au dialogue pour trouver des solutions à l’accès ouvert aux caméras/accéléromètres/microphones/WiFi/GPS/Bluetooth. À la place je tombe dans la facilité et me concentre pour développer sur une seule plateforme (ou un petit groupe de plateformes).

À chaque fois que je suis tombé sur un silo comme Facebook, j’ai peut-être râlé mais je ne suis pas parti. En fait, j’ai publié toujours plus de contenus dessus sans me demander si je pouvais le récupérer. J’ai fait cela parce que c’était là où étaient les lecteurs, là où je pouvais avoir plus d’utilisateurs, etc.

Quand mon opérateur mobile a décidé de mettre en place un plafond sur la consommation de mon forfait illimité, je ne l’ai pas quitté parce que je devais être sur un réseau où je pouvais continuer à utiliser mon iPhone/iPad/Kindle (peu importe le périphérique). Je me suis plaint sur Twitter et j’ajoutais un billet sur Tumblr mais je suis quand même resté.

Quand les politiciens commencèrent à parler de sujets comme la neutralité du net ou d’autres acronymes bizarres comme PIPA/SOPA/ACTA/etc., je me suis battu contre ces lois mais à l’époque je n’avais pas insisté sur le fait que tout ce qui attaque Internet attaque la population et donc ébranle la démocratie.

Je pense que vous réalisez peut-être que je ne suis pas seul dans ce cas, et la vérité c’est que j’ai peut-être tué Internet… mais vous aussi.

Le ressusciterez-vous ?

Donc comment on le ramène ? Comment nous, assis sur le bord de la route, pouvons-nous aider Internet à continer de se croître comme un endroit où tout un chacun, qu’il soit une énorme entreprise ou un simple individu, ait des chances égales de développer et construire le prochain « truc génial d’Internet » ?

Bon, la façon dont je vois les choses c’est que nous combattons avec les outils qu’on a et le meilleur d’entre eux est Internet lui même… et nos portes-monnaies.

Vous voulez de l’argent ? Eh bien, dans ce cas vous devrez être ouvert. Vous voulez me faire de la publicité ? Parfait ! Faites que votre site complet soit une part d’Internet et j’arrêterai de bloquer vos publicités. Je cliquerai même sur les publicités si elles pointent vers un site internet ouvert, mais je bloquerai celles qui m’entraînent vers des silos. Vous voulez m’offrir une inscription à quelque chose ? C’est bien mais vous ne pouvez pas être indexé par les moteurs de recherche.

Vous voulez que j’installe une application ? OK, seulement si les fonctionnalités sont valables pour un internet ouvert ! Et si c’est dû à une limitation des technologies, alors expliquez-le moi et dites-moi à qui je dois me plaindre pour que s’arrêtent ces restrictions.

Vous voulez que je partage un lien vers votre application ou votre site ? D’accord, mais comment puis-je partager les liens provenant d’autres sites ou applications DANS votre application ? Comment puis-je circuler dans les deux sens (et permettre aux moteurs de recherche ou aux personnes non enregistrées de voir au moins une partie du contenu que je partage ?).

Vous êtes un fabricant de matériel informatique ? Allez-y. Mais vous devez travailler avec d’autres fabricants pour assurer que l’accès aux appareils que vous construisez via le web soit standardisé.

Vous êtes un opérateur télécom et vous avez du mal rentabiliser votre bande passante ? Peut être que nous pouvons vous aider. Partagez TOUTES vos données (anonymisées bien sûr) qui concernent le trafic et les habitudes de vos utilisateurs. Des passionnés de réseaux se feront un plaisir de travailler avec vous pour trouver des moyens d’améliorer les choses.

Vous dirigez un moteur de recherche ? Bien. Si vous trouvez que certaines pages sont cloisonnées, refusez simplement l’indexation de l’ensemble du site. Travaillez avec vos concurrents pour assurer la création d’un liste noire, semblable à la liste noire des spammeurs. Si une entreprise ne veut pas jouer le jeu, très bien, mais elle ne devrait pas alors avoir le beurre et l’argent du beurre.

Vous voulez écrire une loi relative à certains comportements néfastes sur Internet ? D’accord mais vous devez la mettre a disposition sur un site Internet public et faire en sorte que tout le monde en parle. Peut-être sous la forme d’un wiki pour permettre une bonne participation du public et assurer le meilleur dialogue possible.

Vous lancez un site sur ce sujet de l’Internet ouvert ? Eh bien tout d’abord merci ! Mais souvenez vous que l’outil dont nous disposons est Internet lui-même. Ne faites pas de lien vers les pages publiques des sites cloisonnés (fermés). En effet, il est préférable de ne pas les mentionner, néanmoins, si vous devez absolument le faire, faites en sorte qu’il soit difficile de les trouver.

Vous êtes juste un utilisateur ? Génial ! Pour commencer, il suffit juste d’exiger qu’Internet reste ouvert. Vous avez protesté lorsque SOPA a menacé Internet. Si votre opérateur Internet devient liberticide, partez pour un opérateur qui promet de rester ouvert ! Quand les politiciens tentent d’abuser d’Internet, interpellez-les ! Et quand un FAI essaye de vous limiter, barrez-vous ! Vous pouvez faire ça encore et encore. La lutte va être longue mais elle en vaut vraiment la peine.

Ne le faites pas pour moi. Ne le faites même pas seulement pour la liberté. Ne le faites pas parce les anciennes générations d’utilisateurs d’Internet se sont battues pour réaliser ce travail.

Faites-le parce que Internet est génial.
Faites-le pour les générations futures.
Faites-le pour vos amis.
Faites-le pour vous mêmes.
Faites-le pour les chatons.

Mikael Tigerstrom - CC by

Notes

[1] Crédit photos : The U.S. Army et Mikael Tigerström (Creative Commons By)

[2] Silo : Un silo est la traduction littérale de l’anglais « Information silo technologies » qui peut se traduire partiellement par « prés carrés » ou « coffre-fort », et qui fait référence à des réseaux numériques fermés qui stockent de grandes quantités d’informations de façon opaque. On ne peut y avoir accès de l’exterieur et ceux-ci ne communiquent pas avec le reste des réseaux. Les communications ne se font donc que dans un sens.

Le: 12 03 2012 à 09:04 Auteur: clargillier

En France, l’équipement en matériel informatique des écoles primaires est très disparate, leur financement étant à la charge des municipalités. Quelques plans ministériels (Informatique pour tous en 1985 et École Numérique Rurale en 2009) ont bien tenté de lancer une certaine dynamique mais on constate que les solutions libres ont bien souvent été oubliées dans ces plans (cf cet article du Framablog) qui ressemblent parfois à un subventionnement indirect aux éditeurs de logiciels propriétaires et aux industriels.

Il existe cependant quelques sociétés dont l’objectif est bien moins le profit que de favoriser l’essor du logiciel libre tout en pérennisant des emplois, comme Ryxeo par exemple qui développe la solution AbulÉdu depuis maintenant de nombreuses années.

Nous avons découvert, lors d’un reportage télévisé sur France 3, une toute jeune SSLL (et bientôt SCIC) ardennaise, iMaugis dont les trois coprésidents ont accepté de répondre à quelques questions.

Entretien avec iMaugis

Framasoft : Pouvez vous vous présenter en quelques mots ?

Fabian Pilard : Coprésident en charge de la représentativité d’iMaugis

Julien Mousseaux : Coprésident en charge de la gestion et du développement, fan de geekeries et de booonnes bières!

Remy Mondi : Coprésident en charge de l’animation

Comment avez vous connu les logiciels libres ?

Fabian : un peu par hasard, je me suis retrouvé service civique dans un GULL il y a 2 ans, n’étant pas informaticien, je me retrouve surtout dans la philosophie du logiciel libre.

Rémy : Par le biais d’un ami. J’ai commencé avec Firefox et OpenOffice puis j’ai franchi le cap en installant Ubuntu par la suite.

Julien : Dans une boutique de presse, un mag vendu avec une Red Hat 6.2 que je n’ai jamais réussi à installer :D Puis en 2003 quand l’ADSL est arrivée dans notre coin perdu

iMaugis, qu’est-ce que c’est ?

iMaugis est une société de services en logiciels libres sous forme (bientôt !) de coopérative d’intérêt collectif (SCIC).

C’est également une aventure humaine qui nous permet de travailler dans un domaine qui nous passionne, celui de l’informatique, tout en défendant des valeurs, celles des logiciels libres et de l’économie sociale et solidaire.

Qu’est ce qui différencie une SSLL (Société de Services en Logiciels Libres) comme iMaugis d’une SSII (Société de services en ingénierie informatique) ?

Nos prestations ne s’orientent que sur des technologies libres. Par conviction philosophique et technologique.

On peut aussi parler de la différence de taille concernant le futur statut juridique de la SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) impliquant un mode de gouvernance alternatif mais démocratique.

Racontez-nous la génèse d’iMaugis ?

iMaugis est né d’une réflexion d’une dizaine de membres de l’association ILArd (Informatique Libre en Ardennes) qui, au delà de de la promotion du libre avaient pour volonté de répondre à un besoin sur le territoire, et créer de l’emploi pérenne en Ardenne.

Nous remercions Guillaume (président du GULL Ilard) qui a eu dés le début l’idée d’une structure coopérative.

Et depuis, quel chemin avez-vous parcouru ?

Les choses avancent… (parole de politicien), iMaugis est sur le marché concurrentiel, nous commençons à réaliser des prestations. La création d’une société, peu importe la forme, est toujours difficile, mais nous restons confiants et débordons d’idées !

Nous commençons à avoir une certaine visibilité sur le territoire ardennais

Arrivez-vous déjà à dégager des salaires grâce à ces prestations liées au libre ?

Par le biais de subventions à la création d’activités, nous arrivons à dégager quelques fonds, mais pas de quoi rouler sur l’or pour le moment (ce n’est d’ailleurs pas l’objectif). J’ai toujours une autre activité à côté.

Dans le reportage que France 3 vous a consacré, on vous voit présenter un TBI (Tableau Blanc Interactif) annoncé comme un des moins cher du monde, pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

Ah la la, France3, toujours à la recherche du scoop :) , le moins cher du monde, je ne sais pas. Moins cher que les solutions existantes sûrement !

Et pourrait-on avoir un ordre d’idée du prix ?

Moins cher ! en terme de matériel, nous sommes à moins de 1000€ ordinateur libre et projecteur compris, ensuite nous proposons du service ( accompagnement, formation ) autour de cette offre.

Comment pensez-vous pouvoir trouver votre place à côté des multinationales du TBI ?

Nous ne vendons pas la même chose, nous ne sommes pas dans la même logique, je pense que nous sommes complémentaires, nous nous orientons plutôt vers les structures ayant peu de moyens et/ou partageant nos valeurs.

De plus nous avons mis au point une IHM (Interface Homme Machine) qui facilite l’usage d’un ordinateur via un TBI.

Au niveau système d’exploitation, utilisez-vous des distributions éducatives existantes (AbulÉdu, ASRI Éducation …) ou bien vous appuyez-vous sur des distributions plus généralistes ?

Nous en avons testé une demi douzaine et elles sont toutes très complètes, mais nous avons besoin d’un système personnalisé et adapté au TBI. Nous nous appuyons donc sur une distrib’ généraliste pour le moment, mais l’objectif est de créer la nôtre. D’ailleurs nous avons déjà l’interface qui nous semble adaptée pour le TBI et la tablette.

Dans le reportage, on peut également voir que vous vous appuyez notamment sur Sankoré. Quels sont les autres logiciels libres principaux au cœur de votre système ?

Sankoré reste LE logiciel libre pour un usage TBI, mais il y a aussi GCompris bien sûr, Beneyluschool, un ENT libre très intéressant, différents logiciels provenant du Terrier, OOo4Kids, Childsplay, Omnitux, Dicorime, Tuxmaths, Tuxpaint, CaRMetal… et des ressources pédagogiques libres.

Et pour la reconnaissance des caractères, avez-vous trouvé ou développé une solution libre convaincante ?

Non, c’est effectivement un domaine où les différents logiciels libres existants n’ont pas encore atteint le niveau des meilleurs solutions propriétaires.

Sur votre site, un de vos produits est appelé École Numérique Pour Tous. Pouvez nous expliquer en quoi cela consiste précisément ?

École Numérique Pour Tous 2.0 : ENPT car c’est une réponse à école numérique rurale.

  • 2.0 car cela rentre dans l’initiative Ordi 2.0 (Reconditionnement d’ordinateurs pour réduire les coûts d’investissements et contribuer au développement durable).
  • ENPT 2.0 est donc une offre clé en main proposant solution matérielle, logicielle et de services adaptés afin d’équiper les écoles.

Quelles sont les différences entre ENPT et d’autres solutions propriétaires ?

ENPT est un ensemble matériel (TBI, ordis en fond de classe, serveur (fichier, impression, proxy, filtrage)) + logiciel, le tout servi avec une interface adaptée soit pour une utilisation avec un stylet (TBI) soit pour une utilisation par un enfant (grosses icônes facilement cliquables, impossibilité de supprimer ou rajouter des logiciels autrement que par l’administrateur du système, l’élève ne pourra utiliser que ce dont il a réellement besoin).

Le but est de faciliter l’usage des TICE tant pour les enseignants que pour les élèves et de favoriser l’accompagnement et la formation grâce à l’économie réalisée sur les frais de licence ainsi que sur l’utilisation de matériel reconditionné. Les solutions propriétaires sont basées sur du matériel systématiquement neuf (et donc onéreux), pas forcément raccord avec le reste des équipements de l’école (avec le TBI par ex) et ne bénéficient souvent pas de suites logicielles éducatives aussi complètes que celle que nous pouvons intégrer grâce aux logiciels libres. De plus la solution ENPT est beaucoup plus “éthique” et s’inscrit dans une véritable mission de service publique car les élèves seront égaux et pourront réutiliser les logiciels vu en classe chez eux (encore un avantage du logiciel libre).

La reporter de France 3 indique que vous avez des contacts avec l’éducation nationale. Qu’en est-il réellement ?

Oui, depuis le début du projet, nous avons voulu travailler en coopération avec l’éducation nationale. Nous avons donc rencontré l’inspection académique des Ardennes pour leur présenter notre projet et ainsi lancer une démarche de co-construction avec eux afin de répondre au mieux aux attentes des enseignants.

Et quel a été leur accueil au départ ?

Intéressé notamment par l’aspect financier puisque ils savent que c’est LA problématique des collectivités pour l’équipement en NTIC. Les différents conseillers TICE rencontrés ne sont pas contre le logiciel libre même s’ils reconnaissent un lobbying important des multinationales (ils nous ont parlé de fenêtres, pas vraiment compris…) …et de certaines personnes qui ne savent plus se servir de leur machine si l’icône ronde est devenue ovale ! (ça marche aussi avec une carrée devenant rectangulaire !).

Et par la suite ?

En toute logique, nous devrions mettre en place un pilote dans une école de Charleville-Mézières en 2012.

Le: 12 03 2012 à 01:09 Auteur: aKa

Il est aujourd’hui question des logiciels installés dans nos téléphones portables intelligents, on parle alors plutôt des apps de nos smartphones.

Ils sont intelligents parce que ces applications peuvent désormais rendre toutes sortes de services. Sauf que parfois, voire souvent, elles collectent au passage les données personnelles de l’utilisateur sans que ce dernier soit forcément au courant de tels agissements[1].

En effet si l’on savait clairement que telle apps a accès à nos contacts, nos photos ou nos localisations géographiques, informations envoyées on ne sait trop où de manière non sécurisée, on y réfléchirait peut-être à deux fois avant de l’installer d’un simple clic dans notre téléphone[2].

La faute aux utilisateurs non vigilants[3] mais surtout aux développeurs de ces applications qui sont encore loin de tous adopter les quelques recommandations ci-dessous de l’Electronic Frontier Foundation.

Phil Campbell - CC by

Déclaration des droits de la vie privée des utilisateurs de téléphones mobiles

Mobile User Privacy Bill of Rights

Parker Higgins - 2 mars 2012 - EFF.org
(Traduction Framalang/Twitter : kamui57, Pascal, goofy, Ak:kes, Thibo, Sylvain, Céline, Jonathan, Gatitac, Antoine, BlackMouse)

Les applications pour smartphones représentent une technologie puissante qui va devenir de plus en plus importante dans les années à venir. Mais l’avantage incomparable qu’elles apportent à un appareil toujours allumé et connecté présente également des risques pour notre vie privée. Et vu les données sensibles que les utilisateurs stockent désormais dans leurs téléphones (textes, coordonnées, localisations, photos, vidéos…), les responsabilités qui incombent aux fabricants, opérateurs, développeurs d’applications et régies publicitaires mobiles sont de plus en plus importantes pour respecter la vie privée des utilisateurs, afin de gagner et conserver la confiance, plus que jamais importante et nécessaire, de ces derniers.

Heureusement, il existe des recommandations répondant aux besoins et attentes des utilisateurs. Ce guide des bonnes pratiques s’inspire fortement de documents tels que le projet de loi FEP de Droits à la confidentialité pour les utilisateurs de réseaux sociaux ainsi que du livre blanc de la Maison Blanche La confidentialité des données des consommateurs dans un monde connecté pour établir une référence et indiquer aux acteurs de l’industrie mobile ce qu’ils doivent faire afin de mieux respecter la vie privée de l’utilisateur.

Constructeurs ou régies publicitaires ont leur part de responsabilité mais on s’intéressera ici avant tout aux développeurs qui ont les possibilité de devancer ces problèmes.

Une déclaration des droits de l’utilisateur de mobile

Les développeurs doivent créer des applications qui respectent les droits suivants :

  • Contrôle individuel : Les utilisateurs ont le droit d’exercer un contrôle sur les données collectées par les applications et savoir comment elles sont utilisées. Bien qu’il existe un contrôle d’accès au niveau du système d’exploitation des smartphones (iOS, Android…), les développeurs devraient s’appliquer à donner également ce pouvoir aux utilisateurs même lorsque cela n’est pas requis techniquement ou juridiquement par la plateforme. Le droit à un contrôle individuel inclut également la possibilité de revenir sur son consentement et d’effacer ces données des serveurs d’applications. Les fiches techniques de la Maison Blanche le disent explicitement : « les compagnies doivent fournir les moyens d’annuler un accord avec la même facilité qu’on a eu à l’obtenir en installant l’application. Si des consommateurs donnent leur consentement en appuyant sur une simple touche, ils devraient être capables de l’annuler de la même façon. »
  • La collecte de données ciblées : En plus des guides des meilleures pratiques pour les fournisseurs d’accès, les développeurs d’applications doivent se montrer particulièrement prudents lorsqu’il s’agit d’appareils mobiles. Le partage non désiré et à son insu des contacts du carnet d’adresses ou des albums photos ont déjà fait l’objet de vives protestation des utilisateurs. Un autre domaine particulièrement sensible concerne les données et les archives de localisation, ainsi que les contenus et les métadonnées relatives aux appels téléphoniques et aux messages texto. Les développeurs d’applications mobiles ne devraient recueillir que le minimum nécessaire pour fournir le service tout en préservant l’anonymat des renseignements personnels.
  • Transparence : Les utilisateurs ont besoin de connaître les données auxquelles une application accède, combien de temps ces données sont conservées et avec qui elles seront partagées. Les usagers devraient être en mesure d’accéder de manière claire aux politiques de confidentialité et de sécurité, et ce, avant et après l’installation. La transparence est particulièrement critique là où l’utilisateur n’interagit pas directement avec l’application (comme par exemple avec Carrier IQ).
  • Respect du contexte : Les applications qui collectent des données ne devraient les utiliser ou les partager qu’en respectant le contexte dans lequel elles ont été fournies. Par exemple si une application possède une fonction « trouver des amis » qui nécessite l’accès à vos contacts, elle ne doit pas donner ces informations à des tiers ou les utiliser pour envoyer des e-mails à ces contacts. Quand l’application souhaites faire une une utilisation externe de ces données, elle doit impérativement obtenir l’accord explicite de l’utilisateur.
  • Sécurité : Les développeurs sont responsables de la sécurité des données qu’ils collectent et conservent. Elle devraient être chiffrées aussi pour le stockage que lorsqu’elles transitent du téléphone au serveur de l’application.

  • Responsabilité : En fin de compte, tous les acteurs de l’industrie mobile sont responsables du comportement des matériels et des logiciels qu’ils créent et déploient. Les utilisateurs ont le droit d’attendre un comportement responsable de leur part et de leur demande de rendre des comptes.

Bonnes pratiques techniques

Que devraient faire les développeurs pour respecter les points ci-dessus ? Voici quelques pratiques à suivre pour préserver la vie privée des utilisateurs.

  • Anonymisation et dissimulation : Les informations devraient être si possible hachées, dissimulées ou au moins anonymisées.
  • Sécuriser les transmission de données : Les connexions TLS devraient être utilisées par défaut pour transférer toute information personnelle et doivent l’être impérativement pour toute information sensible.
  • Stockage sécurisé des données : Les développeurs doivent conserver les informations uniquement durant le temps nécessaire au fonctionnement de leurs services, et ces informations doivent être correctement chiffrées.
  • Sécurité interne : Les entreprises doivent protéger les utilisateurs non seulement des attaques venues de l’extérieur mais aussi du risque de voir des employés abuser de leur possibilité d’accès aux données sensibles.
  • Test d’intrusion : Souvenez-vous de la loi Schneier qui stipule que « n’importe qui, du plus parfait amateur au meilleur cryptographe, peut créer un algorithme que lui-même ne peut pas casser ». Les systèmes de sécurité devraient être testés de manière indépendante et vérifiés avant qu’ils ne soient compromis.
  • Do Not Track : Il faut encourager l’implémentation et la diffusion des systèmes de type Do Not Track (Ne me suivez pas à mon insu et laissez-moi régler mes préférences de confidentialité). Actuellement cela se limite aux navigateurs Web, et seul le projet Mozilla Boot2Gecko (encore en développement) le prend directement en charge à partir du système d’exploitation.

Ces recommandations constituent une base de référence, et l’ensemble des acteurs (des développeurs d’applications aux fournisseurs d’accès et de services en passant par les régies publicitaires et bien d’autres) devraient tout faire pour les atteindre voire les dépasser. L’écosystème d’applications mobiles s’est développé et a mûri. Les utilisateurs sont en droit d’attendre désormais des politiques et des pratiques sérieuses et responsables. Il est temps de répondre à ces attentes.

Notes

[1] Crédit photo : Phil Campbell (Creative Commons By)

[2] La question, une fois de plus, se pose différemment si ces apps sont sous licence libre car la transparence est alors de mise.

[3] La non vigilance des utilisateurs de smartphones n’implique pas forcément la même imprudence pour leur ordinateur personnel. Il n’est ainsi par rare de rencontrer des libristes faisant très attention à ce qu’il y a dans leur PC mais installant à peu près n’importe quoi sur leur téléphone sous Android.

Le: 10 03 2012 à 11:23 Auteur: aKa

Il y a vingt ans Philippe Muray détournait ironiquement l’expression freudienne « envie du pénis » pour nous pondre un article sur une société qui voit du « vide juridique » partout à combler au plus vite. quitte à nous ôter toujours plus de liberté et de responsabilité[1]. Lecture non politiquement correcte garantie !

Aujourd’hui non seulement rien n’a changé mais à bien des égards cela s’est amplifié. Les lois DADVSI, HADOPI, SOPA, ACTA… peuvent-elles aussi s’inscrire et s’expliquer dans ce constat et cette dynamique ?

Un extrait des Exorcismes Spirituels parus aux éditions des Belles Lettres en 1997.

Henry Spencer - CC by

L’envie du pénal

Philippe Muray - 1992

De cette légifération galopante, de cette peste justicière qui investit à toute allure l’époque, comment se fait-il que personne ne s’effare ?

Comment se fait-il que nul ne s’inquiète de ce désir de loi qui monte sans cesse ? Ah ! la Loi ! La marche implacable de nos sociétés au pas de Loi !

Nul vivant de cette fin du siècle n’est plus censé l’ignorer. Rien de ce qui est législatif ne doit nous être étranger.

« Il y a un vide juridique ! »

Ce n’est qu’un cri sur les plateaux. De la bouillie de tous les débats n’émerge qu’une voix, qu’une clameur « Il faut combler le vide juridique ! » Soixante millions d’hypnotisés tombent tous les soirs en extase. La nature humaine contemporaine a horreur du vide juridique, c’est-à-dire des zones de flou où risquerait de s’infiltrer encore un peu de vie, donc d’inorganisation. Un tour d’écrou de plus chaque jour ! Projets ! Commissions ! Mises à l’étude ! Propositions ! Décisions ! Élaboration de décrets dans les cabinets ! Il faut combler le vide juridique ! Tout ce que la France compte d’associations de familles applaudit de ses pinces de crabe. Comblons ! Comblons ! Comblons encore ! Prenons des mesures ! Légiférons !

Saintes Lois, priez pour nous ! Enseignez-nous la salutaire terreur du vide juridique et l’envie perpétuelle de le colmater ! Retenez-nous, ligotez-nous au bord du précipice de l’inconnu ! Le moindre espace que vous ne contrôlez pas au nom de la néo-liberté judiciairement garantie est devenu pour nous un trou noir invivable. Notre monde est à la merci d’une lacune dans le Code ! Nos plus sourdes pensées, nos moindres gestes sont en danger de ne pas avoir été prévus quelque part, dans un alinéa, protégés par un appendice, surveillés par une jurisprudence.

« Il faut combler le vide juridique ! » C’est le nouveau cri de guerre du vieux monde rajeuni par transfert intégral de ses éléments dans la poubelle-média définitive.

Il en a fallu des efforts, et du temps, il en a fallu de la ténacité, de l’habileté, des bons sentiments et des causes philanthropiques pour incruster bien profond, dans tous les esprits, le clou du despotisme légalitaire. Mais maintenant ça y est, c’est fait, tout le monde en veut spontanément. L’actualité quotidienne est devenue, pour une bonne part, le roman vrai des conquêtes de la Loi et des enthousiasmes qu’elle suscite. De nouveaux chapitres de l’histoire de la Servitude volontaire s’accumulent. L’orgie procédurière ne se connaît plus aucune borne.

Si je n’évoque pas ici les affaires de magistrats vengeurs, les scandales de fausses factures, la sombre révolte des juges en folie, c’est que tout le monde en parle partout. Je préfère aller chercher mes anecdotes en des coins moins visités. Il n’y a pas de petites illustrations. En Suède, tout récemment, un type saute au plafond d’indignation dans un film de Bergman qui passe à la télé, il vient de voir un père donnant une gifle à son fils ! Dans un film ? Oui, oui. Un film. À la télé. Pas en vrai. N’empêche que ce geste est immoral. Profondément choquant, d’abord, et puis surtout en infraction par rapport aux lois de son pays. Il va donc, de ce pas, porter plainte. Poursuivre en justice. Qui n’approuverait cet homme sensible ? Le cinéma, d’ailleurs, regorge d’actes de violence, de crimes, de viols, de vols, de trafics et de brutalités dont il est urgent de le purger. On s’attaquera ensuite à la littérature.

Dura lex, sed tex ! Il y a des soirs où la télé, pour qui la regarde avec la répugnance requise, ressemble à une sorte de foire aux lois. C’est le marché des règlements. Un lex-shop à ciel ouvert. Chacun s’amène avec son brouillon de décret. Faire un débat sur quoi que ce soit, c’est découvrir un vide juridique. La conclusion est trouvée d’avance. « Il y a un vide juridique ! » Vous pouvez fermer votre poste. Le rêve consiste clairement à finir par interdire peu à peu, et en douceur, tout ce qui n’est pas encore absolument mort.

« Il faut combler le vide juridique ! » Maintenant, l’obsession pénaliste se réattaque de front au plaisir. Ah! ça démangeait tout le monde, de recriminaliser la sexualité! En Amérique, on commence à diriger vers des cliniques spécialisées ceux à qui on a réussi à faire croire qu’ils étaient des addicts, des malades, des espèces d’accros du sexe. Ici, en France, on a maintenant une loi qui va permettre de punir la séduction sous ses habits neufs de harcèlement. Encore un vide de comblé ! Dans la foulée, on épure le Minitel. Et puis on boucle le bois de Boulogne. Tout ce qui se montre, il faut l’encercler, le menotter de taxes et décrets.

À Bruxelles, de sinistres inconnus préparent l’Europe des règlements. Toutes les répressions sont bonnes à prendre, depuis l’interdiction de fumer dans les lieux publics jusqu’à la demande de rétablissement de la peine de mort, en passant par la suppression de certains plaisirs qualifiés de préhistoriques comme la corrida, les fromages au lait cru ou la chasse à la palombe. Sera appelée préhistorique n’importe quelle occupation qui ne retient pas ou ne ramène pas le vivant, d’une façon ou d’une autre, à son écran de télévision : le Spectacle a organisé un nombre suffisant, et assez coûteux, de distractions pour que celles-ci, désormais, puissent être décrétées obligatoires sans que ce décret soit scandaleux. Tout autre genre de divertissement est un irrédentisme à effacer, une perte de temps et d’audimat.

Toutes les délations deviennent héroïques. Aux Etats-Unis, pays des lawyers en délire, les homosexuels de pointe inventent l‘outing, forme originale de mouchardage qui consiste à placarder à tour de bras des photos de types connus pour leur homosexualité honteuse, avec la mention absolute queer (parfait pédé). On les fait sortir de leur secret parce que ce secret porte tort, dit-on, à l’ensemble du groupe. On les confesse malgré eux. Plus de vie privée, donc plus d’hypocrisie.

Transparence ! Le mot le plus dégoûtant en circulation de nos jours ! Mais voilà que ce mouvement d’outing commence à prendre de l’ampleur. Les chauves s’y mettent, eux aussi ils affichent à leur tour des portraits, des photos de célébrités qu’ils accusent de porter des moumoutes (pardon, des « compléments capillaires ») ! On va démasquer les emperruqués qui ne s’avouent pas ! Et pourquoi pas, après ça, les porteurs de fausses dents, les bonnes femmes liftées, les cardiaques à pacemakers ? L’ennemi héréditaire est partout depuis qu’on ne peut plus le situer nulle part, massivement, à l’Est ou à l’Ouest.

« Le plus grand malheur des hommes, c’est d’avoir des lois et un gouvernement », écrivait Chateaubriand. Je ne crois pas qu’on puisse encore parler de malheur. Les jeux du cirque justicier sont notre érotisme de remplacement. La police nouvelle patrouille sous les acclamations, légitimant ses ingérences en les couvrant des mots solidarité, justice, redistribution.

Toutes les propagandes vertueuses concourent à recréer un type de citoyen bien dévot, bien abruti de l’ordre établi, bien hébété d’admiration pour la société telle qu’elle s’impose, bien décidé à ne plus jamais poursuivre d’autres jouissances que celles qu’on lui indique. Le voilà, le héros positif du totalitarisme d’aujourd’hui, le mannequin idéal de la nouvelle tyrannie, le monstre de Frankenstein des savants fous de la Bienfaisance, le bonhomme en kit qui ne baise qu’avec sa capote, qui respecte toutes les minorités, qui réprouve le travail au noir, la double vie, l’évasion fiscale, les disjonctages salutaires, qui trouve la pornographie moins excitante que la tendresse, qui ne peut plus juger un livre ou un film que pour ce qu’il n’est pas, par définition, c’est-à-dire un manifeste, qui considère Céline comme un salaud mais ne tolérera plus qu’on remette en cause, si peu que ce soit, Sartre et Beauvoir, les célèbres Thénardier des Lettres, qui s’épouvante enfin comme un vampire devant un crucifix quand il aperçoit un rond de fumée de cigarette derrière l’horizon.

C’est l’ère du vide, mais juridique, la bacchanale des trous sans fond. À toute vitesse, ce pseudo-monde en perdition est en train de recréer de bric et de broc un principe de militantisme généralisé qui marche dans toutes les situations. Il n’y a pas de nouvelle inquisition, c’est un mouvement bien plus subtil, une montée qui sourd de partout, et il serait vain de continuer à se gargariser du rappel des antiques procès dont furent victimes Flaubert ou Baudelaire : leur persécution révélait au moins une non-solidarité essentielle entre le Code et l’écrivain, un abîme entre la morale publique et la littérature.

C’est cet abîme qui se comble chaque jour, et personne n’a plus le droit de ne pas être volontaire pour les grands travaux de terrassement. Qui racontera cette comédie ? Quel Racine osera, demain, composer les Néo-Plaideurs? Quel écrivain s’échappera du zoo légalitaire pour en décrire les turpitudes ?

Notes

[1] Crédit photo : Henry Spencer (Creative Commons By)

Le: 09 03 2012 à 10:07 Auteur: aKa

Des Dépêches Melba consacrées cette semaine au piratage en France et aux États-Unis.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Liens connexes :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

Le: 07 03 2012 à 21:36 Auteur: aKa

Grand succès pour le mini ordinateur sous GNU/Linux Raspberry Pi, officiellement disponible à la vente depuis une semaine pour une trentaine d’euros. Plutôt que nous extasier (à juste titre) sur ses caractéristiques techniques, nous en avions souligné ses potentialités éducatives dans un article précédent.

Mais pour le mettre entre les mains des écoliers il faut bien le produire en masse. ce qui présente, d’après Pete Nelson, une belle opportunité économique pour le pays qui l’a vu naître.

Une traduction qui fait vibrer la fibre patriotique mais qui permet aussi en creux de s’interroger sur la situation française en cette période électorale. Angleterre et France, ces deux vieux pays rois de la Révolution industrielle[1], sauront-ils retrouver leur place dans le domaine du matériel et logiciel informatique ?

La réponse est peut-être une fois de plus à chercher du côté du Libre.

Katherine Johnson - CC by

Pourquoi le Raspberry Pi va sauver le Royaume-Uni

Why the Raspberry Pi will save the UK

Pete Nelson - 6 marc 2012 - Blog perso
(Traduction Framlang : OranginaRouge, ZeHiro, nh2, Lamessen)

Le Royaume-Uni a un riche passé d’ingénierie et d’industrie. La révolution industrielle y a commencé et depuis ce jour nous avons assisté au développement d’une ingénierie fiable, solide et bien pensée.

Malheureusement, durant le dernier quart du 20ième siècle, des décisions ont été prises pour mettre à mal l’assise de notre ingénierie et de nos industries de façon à ce que nous, société de consommation, puissions acheter des produits moins chers auquels nous ferions moins attention. Pour combler le déficit, nous nous sommes appuyés de plus en plus sur la City de Londres et nous l’avons dérégulée afin de s’assurer qu’elle attire les investisseurs du monde entier. Alors que la City générait de l’argent pour le pays, le reste d’entre nous se mettait au travail pour subvenir aux besoins de la nation - quelqu’ils soient - généralement en dépensant de l’argent dans de la nourriture de marque distributeur ou des débits de boissons. Pendant ce temps, ceux qui se démenaient à produire des biens réels perdaient leurs CDI au profit de contrats gérés par des sociétés de service afin que les entreprises puissent embaucher et licencier aussi vite qu’ils le souhaitaient, alors que ces suceurs de sang grattaient un gros pourcentage sur les salaires.

Mais il y a une industrie qui peut changer les choses au Royaume-Uni : le logiciel. Nous avons un solide héritage en matière de matériel informatique et de logiciel dans ce pays mais la beauté du développement logiciel est qu’il peut être réalisé par n’importe qui, à n’importe quel endroit avec un minimum d’investissement. Le coût le plus important est de loin la formation du personnel pour qu’il soit capable de développer un logiciel ; bien qu’il soit très simple d’acquérir les bases, ça reste un métier qui nécessite des connaissances en ingénierie et une expérience pratique.

C’est là que le Raspberry Pi peut nous sauver : il est désormais possible pour le gouvernement de fournir à moindre coût et à chaque enfant de ce pays une machine qu’il pourra emporter chez lui et avec laquelle il pourra jouer. En outre, si le gouvernement tient sa promesse d’arrêter de donner des cours sur l’utilisation de Microsoft Word et commence à enseigner des sujets dignes de ce nom, nous aurons bientôt une génération de travailleurs hautement qualifiés à portée de main, prêts à exporter des produits dans le monde.

La programmation n’est pas faite pour tout le monde, bien entendu, mais le développement d’un logiciel ne se résume pas à de la programmation, il y est aussi une question de conception , d’idées, de raisonnements et d’organisation. Nous avons déjà de super entreprises de design, de jeux, de développement web et logiciel dans ce pays (bien que minoritaires) - si les représentants de ces industries pouvaient aller dans cette direction et développer massivement ces industries au point de venir concurrencer les leaders américains alors nous serions sur la bonne voie.

C’est génial d’entendre que Nissan a créé de nouveaux emplois dans le pays mais je crois qu’il est nécessaire de commencer à s’éloigner de ces industries antiques et de créer une main d’œuvre locale, décentralisée et hautement qualifiée composée de créateurs, dans l’objectif d’exporter à nouveau.

Et nous devons commencer à donner à l’industrie du logiciel le respect qu’elle connaît aux États-Unis. Au moment où je vous écris, le Raspberry Pi se vend à 700 unités par seconde et cela me redonne confiance en ce monde - qu’une initiative à but non lucratif et une conception désintéréssée puisse avoir autant de succès. Et j’aime qu’il soit basé sur une autre technologie de Cambridge qui a changé le monde (et qui a confirmé que nous, britanniques, pouvons encore produire des choses) : la puce ARM.

Notes

[1] Crédit photo : Katherine Johnson (Creative Commons By)

Le: 06 03 2012 à 18:59 Auteur: aKa

Petite mise en lumière d’un article du site de Free Software Foundation de Richard Stallman.

Quand on regarde ce qui a été fait dans ce domaine à l’Éducation nationale française ces cinq dernières années (à savoir pas grand chose), on se dit qu’il y a encore du pain sur la planche…

On notera que l’on n’oppose pas outils et savoirs informatiques et que dans les deux cas le logicel libre est plus que pertinent[1].

Liz Poage - CC by

Pourquoi les établissements d’enseignement devraient utiliser le logiciel libre et l’enseigner

URL d’origine du document

Free Software Foundation - licence Creative Commons By-Nd
Version du 2 février 2012 - Traduction : Pierrick L’Ébraly

Les écoles devraient apprendre à leurs élèves à devenir les citoyens d’une société forte, compétente, indépendante et libre.

Ce sont les raisons principales pour lesquelles universités et écoles de tous niveaux devraient n’utiliser que du logiciel libre.

Partage

Les établissements scolaires doivent enseigner les valeurs du partage en montrant l’exemple. Le logiciel libre aide l’éducation, en permettant le partage des savoirs et des outils :

  • Savoirs. Beaucoup de jeunes élèves ont un don pour la programmation, ils sont fascinés par les ordinateurs et enthousiastes à l’idée d’apprendre comment leurs systèmes marchent. Avec des logiciels privateurs[2], cette information est un secret, donc les enseignants ne peuvent d’aucune façon les rendre accessibles à leurs élèves. Mais s’il s’agit de logiciel libre, le professeur peut expliquer les bases, et leur donner le code source pour qu’ils le lisent et apprennent.
  • Outils. Les professeurs peuvent fournir à leurs élèves des copies des programmes qu’ils utilisent en classe, pour qu’ils puissent les utiliser chez eux. Avec le logiciel libre, la copie est non seulement autorisée, mais encouragée.

Responsabilité sociale

  • L’informatique est devenue une partie essentielle du quotidien. La technologie numérique transforme notre société très rapidement, et les écoles ont une influence sur le futur de la société. Leur mission est de préparer les élèves à jouer leur rôle dans une société numérique libre en leur enseignant les savoir-faire qui leur permettront de prendre facilement le contrôle de leurs propres vies. Le logiciel ne doit pas être aux mains d’un développeur qui prenne des décisions unilatérales que personne d’autre ne puisse modifier. Les établissements d’enseignement ne doivent pas permettent aux entreprises du logiciel privateur d’imposer leur puissance sur le reste de la société et sur son futur.

Indépendance

Les écoles ont une responsabilité éthique : elles doivent enseigner la force, pas la dépendance vis-à-vis d’un seul produit ou de telle ou telle puissante entreprise. De plus, en choisissant d’utiliser le logiciel libre, l’école elle-même gagne en indépendance vis-à-vis de tout intérêt commercial et évite l’enfermement par un fournisseur.

  • Les entreprises du logiciel privateur utilisent écoles et universités comme tremplin pour atteindre les utilisateurs et de là imposer leurs logiciels à la société dans son ensemble. Ils proposent des réductions, voire des copies gratuites de leurs logiciels privateurs aux établissements d’enseignement, de manière que les étudiants apprennent à les utiliser et en deviennent dépendants. Une fois que les étudiants auront leur diplôme, ni eux, ni leurs futurs employeurs ne se verront offrir de copies au rabais. Fondamentalement, ces entreprises font des écoles et des universités des démarcheurs pour amener les gens à une dépendance permanente à vie.
  • Les licences libres n’expirent pas, ce qui veut dire qu’une fois que le logiciel libre est adopté, les établissements conservent leur indépendance vis-à-vis du vendeur. De plus, les licences libres donnent à l’utilisateur le droit, non seulement d’utiliser les logiciels comme ils le souhaitent, de les copier et de les distribuer, mais aussi de les modifier pour les faire répondre à leurs propres besoins. Ainsi, si une institution décide de mettre en œuvre une fonction spécifique dans un logiciel, elle peut demander ce service à n’importe quel développeur, sans avoir à passer par le distributeur initial.

Apprendre

Quand ils choisissent où ils étudieront, de plus en plus d’élèves prennent en compte le fait pour une université d’enseigner ou non l’informatique et le développement logiciel en utilisant le logiciel libre. Le logiciel libre signifie que les élèves sont libres d’étudier la façon dont fonctionnent les programmes, et d’apprendre à les adapter à leurs propres besoins. S’instruire au sujet du logiciel libre aide aussi dans l’étude de la pratique professionnelle et de l’éthique du développement logiciel.

Économies

C’est un avantage évident qui attirera tout de suite de nombreux administrateurs, mais c’est un bénéfice marginal. Le plus important, c’est qu’en étant autorisé à distribuer des copies du programme à faible coût ou gratuitement, les écoles peuvent en fait aider les familles ayant des difficultés financières, promouvant ainsi l’équité et l’égalité d’accès au savoir parmi les élèves.

Qualité

Des solutions libres stables, sûres et facilement installées sont disponibles pour l’éducation dès à présent. De toute façon, l’excellence des performances n’est qu’un bénéfice secondaire, le but ultime étant la liberté pour les usagers de l’informatique.

Notes

[1] Crédit photo : Liz Poage (Creative Commons By)

[2] Autre traduction de proprietary : propriétaire.

Le: 05 03 2012 à 07:46 Auteur: aKa

CopyPartyMais que se passera-t-il donc le mercredi 7 mars prochain à la Bibliothèque Universitaire de La Roche-Sur-Yon ?

Ce sera tout simplement la première « Fête à la Copie » !

Rien que le titre on dirait une provocation dans le climat (peu serein) actuel mais en fait pas du tout !

En effet, point de contestation sévère et illicite mais une action conviviale, pédagogique, et 100% légale, pour sensibiliser le public aux problématiques complexes que sont, entre autres, la copie privée, le droit d’auteur, le partage des oeuvres, le libre accès, ainsi que le rôle actuel et futur des bibliothèques.

La législation a tendance à se crisper actuellement face aux nouveaux usages permis par les réseaux. Mais elle a ses petite failles dans lesquelles se sont joyeusement engouffrés une bande de joyeux mais sérieux drilles dont Lionel Maurel et Olivier Ertzscheid qui ont bien voulu répondre à quelques questions.

Merci de relayer l’info si, comme nous, vous trouvez l’évènement original et pertinent, car son succès dépend autant de l’affluence le jour J que de l’intérêt médiatique qu’il aura pu susciter.

Interview #CopyParty pour le Framablog

Framasoft : Bonjour, pouvez-vous vous présentez succinctement ?

Lionel Maurel. Conservateur des bibliothèques et juriste. Bibliothèque nationale de France. Auteur du blog S.I.lex, sous le nom de Calimaq

Olivier Ertzscheid. Maître de conférences en sciences de l’information à l’IUT de La Roche sur Yon (université de Nantes) et auteur du blog Affordance.info.

Bon, alors c’est quoi cette « Copy Party » exactement ?

LM : La Copy Party, c’est une manifestation qui va avoir lieu le 7 mars prochain, à la Bibliothèque Universitaire de la Roche Sur Yon, et au cours de laquelle les lecteurs seront invités à copier, avec leur propre matériel (scanners, ordinateurs portables, appareils photos, smartphones, etc) des documents issus des collections de l’établissement. Ce sera l’occasion de sensibiliser les participants à la problématique du droit d’auteur à l’heure du numérique et de réfléchir aux enjeux de la circulation et du partage des savoirs. D’un point de vue juridique, la Copy Party s’inscrit complètement dans un cadre légal, car elle s’appuie sur l’exception de copie privée, telle qu’elle a été modifiée à la fin de l’année dernière.

D’où est venue cette idée un peu folle ?

LM : A l’occasion de formations sur la propriété intellectuelle données à des bibliothécaires, des questions revenaient souvent de la part de collègues, à propos de l’utilisation par des lecteurs de moyens de copie personnels, comme des appareils photos ou des portables. Jusqu’à présent, il était difficile de donner une réponse certaine, car il existait une « zone grise », en raison du débat non tranché sur la « licéité de la source » dans les conditions de la copie privée. Avec la réforme du 20 décembre 2011, le législateur a explicitement indiqué que la source des reproductions devait être licite pour pouvoir bénéficier de la copie privée. Or le fait d’accéder à des documents constituent une telle source licite (avec des nuances selon les types de documents, mais dans la très grande majorité des cas). D’un point de vue général, l’ajout de la condition de licéité de la source fragilise le régime de la copie privée, en obligeant l’utilisateur à déterminer s’il accède légalement ou non à un contenu. La Quadrature du Net a vivement critiqué cette réforme, en déplorant le fait que l’on fasse peser cette charge sur les utilisateurs, surtout dans le contexte des contenus en ligne, où le diagnostic juridique peut être très difficile à effectuer. Je partage tout à fait cette analyse et il est certain que l’ajout de cette condition de « source licite » a fermé des portes pour l’avenir. Mais je me suis rendu compte qu’il y avait peut-être une chance de donner à cette loi un sens que ses instigateurs n’avaient pas prévu et de retourner la restriction en de nouvelles possibilités. J’ai donc écrit un billet pour montrer les conséquences de la licéité de la source sur les usagers de bibliothèques.

A l’occasion d’une discussion avec d’autres bibliothécaires, à laquelle participait Silvère Mercier, l’idée est venue que cette extension des facultés de copie des usagers de bibliothèque pouvait aussi donner lieu à des évènements où des documents seraient mis à disposition des lecteurs afin qu’ils les reproduisent avec leur propre matériel. Le nom « Copy Party » a été lâché par quelqu’un et nous avons tout de suite compris que nous tenions un concept ! Silvère a développé l’idée de la Copy Party dans un billet sur son blog Bibliobsession, qui a attiré l’attention d’Olivier Ertzscheid. Finalement, la Bibliothèque Universitaire de La Roche Sur Yon, où enseigne Olivier, s’est laissée convaincre d’organiser un tel évènement. La suite, nous la connaîtrons après le 7 mars !

Est-ce vraiment une « première mondiale » ?

LM : Des manifestations ont déjà eu lieu, qui portaient le nom de « Copy Party ». La première s’est déroulée à Berlin en 1984, dans le cadre de ce qui allait devenir le Chaos Cumputer Club. Ce type d’évènements s’est ensuite multiplié au cours des années 80, au point de faire partie de la « Culture Hacker ». Dans notre cas, nous n’incitons pas à réaliser des copies illicites ou à « cracker » des protections. Il ne s’agit pas d’un appel à la désobéissance civile. La Copy Party de la Roche Sur Yon respecte le cadre légal de la copie privée. Mais il y a peut-être quand même une forme de « hacking » de la loi, lorsqu’on en propose une lecture qui n’avait sans doute pas été prévue par ses auteurs !

Pour revenir à la question, c’est en tout cas la première fois qu’un évènement de ce genre aura lieu dans une bibliothèque en France. Mais peut-être pas la dernière !

Quels messages souhaitez-vous par là-même faire passer ?

LM : La première intention est de sensibiliser les participants aux questions liées au droit d’auteur et à la diffusion des savoirs, en prenant cette manifestation comme un cas pratique. Nous allons en effet rapidement nous rendre compte que même en accédant à des « sources légales », bénéficier de la copie privée reste une chose compliquée. En effet, les règles sont susceptibles de changer selon les types de documents (livres, CD, DVD, jeux vidéo, logiciels, bases de donnée, etc). Il est aussi possible que nous nous heurtions à des DRM, qui empêcheront la reproduction. Il y a aussi la question de l’usage que l’on peut faire des copies réalisées dans ce cadre, qui reste très restrictif (elles doivent être « réservées à l’usage du copiste et non destinées à une utilisation collective »). Ces difficultés vont certainement nous amener « en creux » à réfléchir sur les justifications de ces restrictions à l’accès au savoir, dans le cadre d’une bibliothèque.

Plus largement, l’acte de copie devient de plus en plus problématique, parce que la propriété intellectuelle, ébranlée par l’environnement numérique, ne parvient pas à retrouver ses assises, malgré le durcissement continu du système. Le simple fait que cette Copy Party fasse autant parler d’elle est symptomatique. Alors même que nous allons au fond seulement rester dans le cadre d’une exception prévue par la loi, la Copy Party sent la poudre, comme si toute copie était assimilable à un acte de piraterie ! Ce n’est pas vrai et nous allons le prouver.

Quelles retombées en attendez-vous ?

LM : La Copy Party pourrait être l’occasion d’engager un débat sur la place des bibliothèques dans la société actuelle et leur rôle dans l’environnement numérique. Il faut savoir en effet que les bibliothèques ont de plus en plus de mal à remplir leurs missions dans l’environnement numérique. Dans l’environnement analogique, des mécanismes ont été mis en place par la loi dans les années 1990/2000 pour faciliter certains types d’usage des oeuvres en bibliothèque. C’est le cas par exemple de la loi sur la reprographie ou de celle sur le droit de prêt des livres. Mais ces textes ne s’appliquent pas à l’environnement numérique, ce qui fait qu’utiliser un scanner dans une bibliothèque constitue un véritable casse-tête ou que le prêt de livres numériques n’arrive pas à se mettre en place dans de bonnes conditions. Des exceptions ont bien été votées dans les lois DADVSI et Hadopi en faveur des bibliothèques, mais elles sont très restrictives, voire presqu’inapplicables, notamment parce qu’elles ne permettent pas de mettre des contenus en ligne. La condition juridique des bibliothèques est à repenser, si l’on ne veut pas qu’elles soient tenues à l’écart de la révolution numérique.

L’autre question sous-jacente à la Copy Party est celle des pratiques de partage dans un cadre non marchand. Dans le cadre de la copie privée, il n’est pas possible de « partager » les contenus. Mais nombreux sont ceux qui ont fait un lien entre la licence légale qui a été instaurée pour le prêt en bibliothèque et les propositions de licence globale (ou contribution créative) qui sont avancées comme alternative à la répression du partage en ligne. Il me semble que cette comparaison est pertinente, car la bibliothèque du 21ème siècle, c’est le web tout entier, et une solution est nécessaire pour reconnaître la légitimité de l’accès au savoir et du partage de la culture. La Copy Party ne constitue bien entendu pas une telle solution, mais si elle peut attirer l’attention sur ses enjeux, ce sera déjà bien.

Le fonds de la bibliothèque universitaire est-il riche et multimédia ?

OE : C’est un fonds documentaire typique d’une bibliothèque universitaire (BU). Donc on ne pourra pas nécessairement copier beaucoup de musique ou de DVDs ;-) Mais la particularité de la BU de La Roche sur Yon est qu’elle n’accueille pas uniquement des étudiants et des chercheurs mais est ouverte à l’ensemble des habitants de la ville. Tout le monde devrait donc pouvoir y trouver des documents à copier en fonction de ses centres d’intérêt.

Ici on a donc l’aval et la complicité de la bibliothèque de La Roche-sur-Yon mais imaginez que vous fassiez des émules dans d’autres bibliothèques, ne craignez-vous pas de semer un certain « désordre » ?

LM : C’est un peu paradoxal de parler de désordre, alors que la Copy Party n’est qu’une conséquence de la réforme de la loi sur la copie privée. D’ailleurs, il n’est pas besoin qu’une Copy Party soit organisée pour que les usagers des bibliothèques puissent réaliser des reproductions sur le fondement de la copie privée à partir d’oeuvres empruntées ou consultées sur place. C’est une chose qu’ils peuvent faire au jour le jour et que les établissements ne peuvent pas empêcher. Même s’ils ne souhaitent pas organiser de Copy Parties (ce qui est leur droit le plus entier), il faudra bien qu’ils accèdent aux demandes de leurs usagers et qu’ils accompagnent ces nouvelles pratiques. Je dirais d’ailleurs que cette capacité des usagers à copier avec leur propre matériel devrait plutôt être considérée comme une chance pour les bibliothèques. On constate en effet avec l’évolution technologique que les usagers viennent de plus en plus dans les bibliothèques avec leurs propres équipements (ordinateurs portables, appareils photos, téléphones portables, etc). D’une certaine manière, les bibliothèques ont toujours été des lieux où l’on accomplit en public des activités « privées » (la lecture, l’étude, etc). La nouvelle loi sur la copie privée permet d’accompagner ces nouveaux usages.

Il y aura peut-être cependant à un moment une réaction des titulaires de droits face à ces nouvelles facultés de copie et de circulation des oeuvres, mais les industries culturelles se sont réjouies de l’insertion de cette condition de « licéité de la source ». Il faut à présent en accepter les conséquences. Par ailleurs, rappelons que la copie privée fait l’objet d’une rémunération, dont les individus s’acquittent lors de l’achat de supports vierges et de matériels de copie. C’est aussi vrai des usagers dans les bibliothèques !

Pourrait-on en organiser dans d’autres pays ou est-ce trop lié à la législation nationale ?

LM : Il faut impérativement aller voir le droit de chaque pays pour savoir si l’on peut y organiser des Copy Parties. En Angleterre par exemple, la copie privée n’existe tout simplement pas en général. Certains pays, comme le Canada par exemple, ont mis en place des exceptions spécialement conçues pour que les bibliothèques puissent remettre des copies d’oeuvres (notamment d’articles de revues) à leurs usagers. Le point majeur à surveiller est celui de la licéité de la source, qui modifie sensiblement le périmètre de la copie privée.

Hadopi, Sopa, Acta, etc. ça vous parle quant à l’évènement ?

LM : Hadopi, cela me parle particulièrement oui, car on oublie souvent que « la négligence caractérisée dans la sécurisation de la connexion », qui est le pivot du système Hadopi, s’applique également aux accès publics à Internet et pas seulement aux individus. Cela signifie qu’une bibliothèque, mais aussi une université, un hôpital, un aéroport et même un parc public pourraient recevoir des avertissements et pourquoi pas, se voir couper leur accès à Internet en cas de récidive. Les bibliothèques, que ce soient au niveau français ou international, se sont aussi mobilisées contre l’accord ACTA, au nom de la défense de valeurs comme la liberté d’expression ou l’accès à la connaissance.

Cette litanie de textes répressifs, de plus en plus violents, empêchent qu’un vrai débat soit conduit sur le rééquilibrage entre les droits des créateurs et ceux du public. Les bibliothèques en font très directement les frais, au quotidien, dans l’accomplissement de leurs missions.

La Copy Party sera suivie d’un débat avec les participants qui sera l’accasion de poser ces questions.

Comment peut-on vous aider si on n’a pas la chance de pouvoir s’y rendre ?

LM : Vous pouvez relayer l’information pour donner un maximum d’impact à cet évènement, et il sera également possible de suivre et de participer à distance sur Twitter, grâce au hashtag #CopyParty.

Mais le meilleur moyen de faire avancer les choses, cela reste de sensibiliser à tous les niveaux sur ces questions liées au droit d’auteur et à la propriété intellectuelle, et en particulier les décideurs.

En elle-même, la Copy Party ne peut être qu’un aiguillon. Elle ne change pas fondamentalement le système.

Ce qu’il faut espérer, c’est qu’un jour, la reproduction ne se fasse plus sur la base d’une simple exception étriquée (comme la copie privée), mais qu’elle soit consacrée comme un véritable droit de l’individu, reconnu avec une force égale au droit d’auteur.

—> Copy Party

Pour aller plus loin nous vous suggérons la lecture de ces deux billets issus du blog S.I.lex de Calimaq : Copy Party : prendre au mot la loi sur la copie privée et interroger les pratiques en bibliothèque et Le cadre juridique de la Copy Party en dix questions.

Le: 03 03 2012 à 12:58 Auteur: aKa

Mis en ligne en décembre dernier, initié par LiberTIC, soutenu par Nantes Métropole et réalisé par A2B Production, le clip L’Open Data à la Loupe mérite mieux que ces 7132 vues actuels sur YouTube.

Il est en effet fort bien réalisé et permet à tout un chacun d’appréhender immédiatement ce qu’est l’Open Data (qui demeure encore malheureusement affaire de spécialistes).

Et cerise sur le gâteau, il est sous Licence Art Libre :)


Faites passer…

Le: 02 03 2012 à 22:59 Auteur: aKa

Le philosophe Bernard Stiegler fait l’objet d’un tag dédié sur le Framablog.

En découvrant le titre de l’article qui lui était consacré dans le journal belge Le Soir du 30 novembre dernier, on comprend bien pourquoi :)

Remarque : Demain 3 mars à 14h au Théâtre de La Colline aura lieu une rencontre Ars Industrialis autour du récent ouvrage L’école, le numérique et la société qui vient co-signé entre autres par Bernard Stiegler.

Bernard Stiegler - Le Soir

« Le logiciel libre peut redonner sens à nos vies »

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Quentin Noirfalisse - 30 novembre 2011 - Le Soir

Bernard Stiegler, un philosophe en lutte. Dans sa ligne de mire : un capitalisme addictif qui aspire le sens de nos existences. Son remède : une économie de la contribution.

Ce n’est plus un secret pour personne : le capitalisme est en train d’être dévoré par ses propres effets toxiques. En 2005, parmi d’autres voix peu écoutées alors, une association française, Ars Industrialis, lancée par quatre philosophes et une juriste, avait sonné le tocsin. A l’époque, leur manifeste décrivait les dangers d’un capitalisme « autodestructeur » et la soumission totale aux « impératifs de l’économie de marché et des retours sur investissements les plus rapides possibles des entreprises » et notamment celles actives dans les médias, la culture ou les télécommunications.

Aujourd’hui, l’association comporte plus de 500 membres, économistes, philosophes, informaticiens et toxicologues (car le capitalisme est devenu « addictif » et « pulsionnel ») confondus et ne semble pas s’être trompée de sonnette d’alarme. « Nous faisons partie des gens qui ont soulevé, dès 2006, l’insolvabilité chronique du système financier américain. On nous riait au nez, à l’époque », explique le philosophe Bernard Stiegler, fondateur d’Ars Industrialis et directeur de l’Institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou.

L’homme habite un petit moulin industriel reconverti en maison à Epineuil-le-Fleuriel, au beau milieu de la France paysanne. Entre quelques cris de paons, il vient de nous détailler le malaise qui s’empare de tous les échelons de la société.

Le règne de l’incurie

« Au 20e siècle, un nouveau modèle s’est substitué au capitalisme industriel et productiviste du 19e : le consumérisme, qu’on assimile au fordisme et qui a cimenté l’opposition entre producteur et consommateur. Le capitalisme productiviste supposait la prolétarisation des ouvriers. Ceux-ci perdaient tout leur savoir-faire qui était transféré aux machines. Avec le consumérisme, ce sont les consommateurs qui perdent leur savoir-vivre, ce qui constitue la deuxième phase de la prolétarisation. »

Chez Stiegler, le savoir-vivre, c’est ce qui permet à un homme de pouvoir développer ses propres pratiques sociales, d’avoir un style de vie particulier, une existence qui n’est pas identique à celle de son voisin. « Le problème du capitalisme, c’est qu’il détruit nos existences. Le marketing nous impose nos modes de vie et de pensée. Et cette perte de savoir-faire et de savoir-vivre devient généralisée. Beaucoup d’ingénieurs n’ont plus que des compétences et de moins en moins de connaissances. On peut donc leur faire faire n’importe quoi, c’est très pratique, mais ça peut aussi produire Fukushima. L’exemple ultime de cette prolétarisation totale, c’est Alan Greenspan, l’ancien patron de la Banque fédérale américaine, qui a dit, devant le Congrès américain qu’il ne pouvait pas anticiper la crise financière parce que le système lui avait totalement échappé. »

Que la justification de Greenspan soit sincère ou non, il n’en ressort pas moins que le système ultralibéral qu’il a sans cesse promu a engendré la domination de la spéculation à rendement immédiat sur l’investissement à long terme. Nous assistons, déplore Stiegler, au règne d’une « économie de l’incurie » dont les acteurs sont frappés d’un syndrome de « déresponsabilisation » couplé à une démotivation rampante.

Où se situe la solution ? Pour Stiegler, l’heure est venue de passer du capitalisme consumériste à un nouveau modèle industriel : l’économie de la contribution. En 1987, le philosophe organisait une exposition au Centre Pompidou, « Les mémoires du futur », où il montra que « le 21e siècle serait une bibliothèque où les individus seraient mis en réseaux, avec de nouvelles compétences données par des appareils alors inaccessibles. »

Depuis, Stiegler a chapeauté la réalisation de logiciels et réfléchit le numérique, convaincu qu’il est, en tant que nouvelle forme d’écriture, un vecteur essentiel de la pensée et de la connaissance. Il a observé de près le mouvement du logiciel libre[1]. C’est de là qu’aurait en partie germé l’idée d’une économie de la contribution. Car dans le « libre », l’argent n’est plus le moteur principal. Il cède la place à la motivation et à la passion, deux valeurs en chute libre dans le modèle consumériste. La question du sens donné aux projets par leurs participants y occupe une place centrale.

« Le logiciel libre est en train de gagner la guerre du logiciel, affirme la Commission européenne. Mais pourquoi ça marche ? Parce que c’est un modèle industriel – écrire du code, c’est éminemment industriel – déprolétarisant. Les processus de travail à l’intérieur du libre permettent de reconstituer ce que j’appelle de l’individuation, c’est-à-dire la capacité à se transformer par soi-même, à se remettre en question, à être responsable de ce que l’on fait et à échanger avec les autres. Cela fait longtemps, par exemple, que les hackers[2] s’approprient les objets techniques selon des normes qui ne sont pas celles prescrites par le marketing. »

De la même manière, une « infrastructure contributive » se développe, depuis deux décennies, sur un internet qui « repose entièrement sur la participation de ses utilisateurs ». Elle a permis, entre autres, d’accoucher de Wikipédia et de substituer à la dualité consommateur-producteur un ensemble de contributeurs actifs. Ceux-ci créent et échangent leurs savoirs sur le réseau, développant ainsi des « milieux associés » où ils peuvent façonner leurs propres jugements. Pour Stiegler, cette capacité à penser par soi-même propre au modèle contributif, est constitutive d’un meilleur fonctionnement démocratique.

Poison et remède

Pas question, toutefois, de tomber dans un angélisme pontifiant. Dans ses textes, il décrit le numérique comme un « pharmakon », terme grec qui désigne à la fois un poison et un remède, « dont il faut prendre soin ». Objectif : « lutter contre un usage de ces réseaux au service d’un hyperconsumérisme plus toxique que jamais », peut-on lire dans le Manifeste d’Ars Industrialis. Stiegler complète, en face-à-face : « Le numérique peut également aboutir à une société policière. Soit on va vers un développement pareil, soit vers l’économie de la contribution. »

D’ores et déjà, des embryons de ce modèle naissent dans d’autres domaines. « Une agriculture contributive existe déjà. L’agriculteur et ses consommateurs deviennent des partenaires, en s’appuyant notamment sur le web. » En France, cela se fait au travers des AMAP, les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, où les différents acteurs se mettent d’accord sur la quantité et la diversité des denrées à produire. « Dans l’univers médical, poursuit Stiegler, les patients sont parfois intégrés à la recherche, comme ce qu’a fait le professeur Montagnier avec les malades du sida. Nous pensons également qu’il y a des domaines contributifs en énergie, où l’idée serait de produire autant que l’on reçoit, grâce aux réseaux de distribution intelligents, les smart grids. C’est bien sûr totalement contraire aux intérêts des grands groupes. »

Ainsi, l’idée d’une économie de la contribution implique que des pans entiers de nos sociétés sont à réinventer. Stiegler énumère certains besoins : « une politique éducative en relation avec le numérique, un nouveau droit du travail, un système politique déprofessionnalisé, un monde de la recherche où professionnels et amateurs sont associés. Nous plaidons beaucoup pour cette figure de l’amateur, qui aime ce qu’il fait et s’y investit complètement. » Reste, finalement, la question de l’argent. La valeur produite par les contributeurs n’est pas toujours monétisable, mais peut avoir un impact sur l’activité économique. Ainsi, les articles de Wikipédia permettent à Bernard Stiegler d’écrire beaucoup plus vite qu’avant. « La puissance publique doit être en charge d’assurer la solvabilité des contributeurs. Quelqu’un qui a un projet intéressant doit pouvoir recevoir de l’argent. Cela s’inscrit dans le sillage de thèses classiques comme le revenu minimum d’existence, à ceci près que nous pensons que ces budgets doivent être pensés comme des investissements. »

Reproduire de l’investissement, non seulement financier, mais surtout humain. Aux yeux de Stiegler, voilà l’enjeu d’une sortie de crise. Et voilà, aussi, pourquoi il appelle à la réunion des hackers, des universités, des chercheurs, des amateurs et des gens de bonne volonté (« il y en a partout ») face à un « néolibéralisme devenu l’organisation généralisée du désinvestissement ».

www.arsindustrialis.org

Interview de Bernard Stiegler

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Entretien : Quentin Noirfalisse - Vidéo: Adrien Kaempf et Maximilien Charlier
Geek Politics - Dancing Dog Productions

Notes

[1] Selon la définition consacrée, un logiciel est libre lorsque les utilisateurs ont le droit « d’exécuter, de copier, de distribuer, d’étudier, de modifier et d’améliorer le logiciel ». Quelques exemples, parmi les plus connus : Firefox, OpenOffice ou le système d’exploitation Ubuntu.

[2] Le hacker, grand artisan de l’internet tel qu’on le connaît, n’est pas un pirate informatique, mais plutôt un « détourneur », qui va utiliser des systèmes ou des objets (technologiques ou non) dans un but que leurs créateurs n’imaginaient pas.

Le: 02 03 2012 à 16:04 Auteur: aKa

« Le logiciel libre, l’innovation partagée et la production collaborative menacent le capitalisme tel que nous le connaissons. » C’est ainsi que Michel Bauwens résume son propos dans les colonnes du site d’Aljazeera.

Le menace vient du fait qu’à l’aide d’Internet nous créons beaucoup plus de valeur d’usage (qui répond à nos besoins) que de valeur d’échange (qui se monétise facilement[1]).

Menace pour les uns, opportunité et espoir pour les autres…

Nick Ares - CC by-sa

La question à 100 millards de dollars de Facebook : Le capitalisme survivra-t-il à « l’abondance de valeur » ?

The $100bn Facebook question: Will capitalism survive ‘value abundance’?

Michel Bauwens - 29 février 2012 - Aljazeera

(Traduction Framalang/Twitter/Fhimt.com : Lambda, vg, goofy, fcharton, btreguier, HgO, Martin, bu, pvincent, bousty, pvincent, deor, cdddm, C4lin, Lamessen et 2 anonymous)

Le logiciel libre, l’innovation partagée et la production collaborative menacent le capitalisme tel que nous le connaissons.

Facebook exploite-t-il ses utilisateurs ? Et d’où vient la valeur estimée à 100 milliards de dollars de la société ?

Ce débat n’est pas nouveau. Il ressurgit régulièrement dans la blogosphère et dans les cercles universitaires, depuis que Tiziana Terranova a inventé le terme de « travail libre/gratuit » (NdT : Free Labour) pour qualifier une nouvelle forme d’exploitation capitaliste du travail non rémunéré - faisant d’abord référence aux téléspectateurs de médias audiovisuels traditionnels et maintenant à une nouvelle génération d’utilisateurs de médias sur des sites comme Facebook. Cet avis peut se résumer très succinctement par le slogan : « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit ».

Ce terme a été récemment relancé dans un article de Christopher Land et Steffen Böhm, de l’Université de l’Essex, intitulé « Ils nous exploitent ! Pourquoi nous travaillons tous pour Facebook gratuitement ». Dans ce court essai, ils affirment haut et fort que « nous pouvons placer les utilisateurs de Facebook dans la catégorie des travailleurs. Si le travail est considéré comme une activité productive, alors mettre à jour son statut, cliquer sur j’aime en faveur d’un site internet, ou devenir ami avec quelqu’un crée la marchandise de base de Facebook. »

Cette argumentation est toutefois trompeuse, car elle mélange deux types de créations de valeurs qui ont déjà été reconnues différentes par les économistes politiques au XVIIIe siècle. La différence se trouve entre la valeur d’usage et la valeur d’échange. Pendant des milliers d’années, dans le cadre de production non capitalistes, la majorité des travailleurs produisait directement de la « valeur d’usage » - soit pour subvenir à leurs propres besoins, soit sous forme de contributions pour la classe dirigeante du moment. C’est seulement avec l’arrivée du capitalisme que la majorité de la population active a commencé à produire de la « valeur d’échange » en vendant son travail aux entreprises. La différence entre ce que nous sommes payés et ce que les gens payent pour le produit que nous faisons est la « plus-value ».

Mais les utilisateurs de Facebook ne sont pas des travailleurs produisant des marchandises pour un salaire, et Facebook ne revend pas ces marchandises sur le marché pour créer de la plus-value.

Bien sûr, les utilisateurs de Facebook ne créent pas directement une valeur d’échange, mais plutôt une valeur de communication. Ce que fait Facebook, c’est permettre le partage et la collaboration autour de sa plateforme. En autorisant, encadrant et « contrôlant » cette activité, on crée des profils et des centres d’intérêt. Et ce sont ces profils et ces centres d’intérêt qui sont par la suite vendu aux publicitaires, pour un montant estimé de 3,2 milliards de dollards par an (NdT : environ 2,4 milliards d’euros), soit une recette publicitaire par utilisateur d’à peine 3,79 dollars (NdT : 2,85 euros).

En fait Facebook fait beaucoup plus que vendre de votre attention et disponibilité (NdT : temps de cerveau disponible ?). Leur connaissance de notre comportement social, individuel et collectif, a une importance stratégique indiscutable aussi bien pour les politiques que pour les sociétés commerciales. Mais cette plus-value vaut-elle réellement 100 milliards de dollars ? Cela reste un pari spéculatif. Pour le moment, il est probable que le quasi milliard d’utilisateurs de Facebook ne trouve pas les 3,79 dollars de recettes publicitaires très exploitables, d’autant plus qu’ils ne payent pas pour utiliser Facebook, et qu’ils utilisent le site volontairement. Ceci étant dit, il y a un prix à payer à ne pas utiliser Facebook : un certain isolement social par rapport à ceux qui l’utilisent.

Créer de la rareté

Il est néanmoins important de noter que Facebook n’est pas un phénomène isolé, mais fait partie d’une tendance bien plus large et lourde de nos sociétés connectées : l’augmentation exponentielle de la création de valeur utile par des publics productifs, ou « productilisateurs » (NdT « produsers »), comme Axel Bruns aime à les appeler. Il faut en effet bien comprendre que cela crée un problème de taille pour le système capitaliste, mais aussi pour les travailleurs tels qu’on les conçoit traditionnellement. Les marchés sont définis comme des moyens d’attribution de ressources rares, et le capitalisme n’est en fait pas simplement un système « d’attribution » de la rareté mais aussi un système de création de la rareté, qui ne peut accumuler du capital qu’en reproduisant et développant les conditions de cette rareté.

Sans tension entre l’offre et la demande, il ne peut y avoir de marché ni d’accumulation de capital. Or ce que font actuellement ces « productilisateurs », c’est créer des choses, avant tout immatérielles comme de la connaissance, des logiciels ou du design, aboutissant à une abondance d’information facile à reproduire et à exploiter

Cela ne peut se traduire directement en valeur marchande, car ce n’est pas du tout rare ; c’est au contraire surabondant. De plus, cette activité est exercée par des travailleurs du savoir (NdT knowledge workers) dont le nombre augmente régulièrement. Cette offre surabondante risque de précariser l’emploi des travailleurs du savoir. Il en découle un exode accru des capacités de production en dehors du système monétaire. Par le passé, à chaque fois qu’un tel exode s’est produit, les esclaves dans l’Empire Romain en déclin, ou les serfs à la fin du Moyen Age, cela a coïncidé avec l’avènement de conditions pour des changements économiques et sociétaux majeurs.

En effet, sans le support essentiel du capital, des biens et du travail, il est difficile d’imaginer la perpétuation du système capitaliste sous sa forme actuelle.

Le problème est là : la collaboration via Internet permet une création massive de la valeur d’usage qui contourne radicalement le fonctionnement normal de notre système économique. D’habitude, les gains de productivité sont en quelque sorte récompensés et permettent aux consommateurs d’en tirer un revenu et d’acheter d’autres produits.

Mais ce n’est plus le cas désormais. Les utilisateurs de Facebook et Google créent de la valeur commerciale pour ces plateformes, mais de façon très indirecte, et surtout ils ne sont pas du tout récompensés pour leur propre création de valeur. Leur création n’étant pas rémunérée sur le marché, ces créateurs de valeur n’en tirent aucun revenu. Les médias sociaux sont en train de révéler un important défaut dans notre système économique.

Nous devons relier cette économie sociale émergente, basée sur le partage de la création, avec les plus authentiques expressions de la production collaborative orientée vers le bien commun, comme en témoignent déjà l’économie de l’Open Source et de l’usage équitable des contenus libres (dont la contribution est estimée à un sixième du PIB américain). Il ne fait pas de doute sur le fait qu’un des facteurs clés du succès actuel de la Chine réside en une savante combinaison de l’Open Source, tel que l’exemple de l’économie locale à Shanzaï, avec une politique d’exclusion des brevets imposée aux investisseurs étrangers. Cela a offert à l’industrie chinoise une innovation ouverte et partagée en boostant son économie.

Même si l’économie de l’Open Source devient le mode privilégié de création des logiciels, et même si elle permet de créer des entreprises qui génèrent des chiffres d’affaires de plus d’un milliard d’euros, comme Red Hat, la conséquence globale est plutôt la déflation. Il a en effet été estimé que l’économie du libre réduisait annuellement de quelque 60 milliards de dollars le volume d’affaires dans le secteur des logiciels propriétaires.

Ainsi, l’économie de l’Open Source détruit plus de valeur dans le secteur propriétaire qu’elle n’en crée. Même si elle engendre une explosion de la valeur d’usage, sa valeur d’échange, monétaire et financière décroît.

La fabrication Open Source

Les mêmes effets surviennent quand le partage de l’innovation est utilisé dans la production physique, où il combine à la fois l’approche Open Source des moyens de distribution et l’affectation de capitaux (en utilisant des techniques comme la production communautaire, ou crowdfunding, et des plateformes dédiées comme Kickstarter).

Par exemple, la Wikispeed SGT01, une voiture qui a reçu cinq étoiles en matière de sécurité et peut atteindre 42,5 km/litre (ou 100 miles par gallon), a été developpée par une équipe de bénévoles en seulement trois mois. La voiture se vend au prix de 29.000 dollars, environ un quart du prix que pratiquerait l’indutrie automobile traditionnelle, et pour laquelle il aurait fallu cinq années de R&D ainsi que des millards de dollars.

Local Motors, une entreprise automobile ayant fait le choix du crowdsourcing et connaissant une croissance rapide, annonce qu’elle produit des automoblies 5 fois plus rapidement que Detroit, avec 100 fois moins de capitaux, et Wikispeed a réussi à mettre en place des temps de design et de production encore plus rapides. En ayant fait le pari de l’intelligence distribuée, la voiture Wikispeed a été pensée pour être modulaire, en utilisant des techniques de programmation logicielle efficaces et sophistiquées (telles que la méthode agile, Scrum et Extreme Programming), un design ouvert ainsi qu’une production effectuée par des PME locales.

Et Arduino, un simple petit circuit imprimé de prototypage electronique Open Source, fonctionnant sur le même principe que Wikispeed, provoque une baisse des prix dans son secteur et une extraordinaire effervescence dans les toujours plus nombreux fab labs (NdT : cf l’histoire d’Arduino). Si le projet de Marcin Jakubowsky Open Source Ecology rencontre le succès alors nous aurons à disposition de tous 40 différents types de machines agricoles bon marché rendant un village auto-suffisant . Dans tous les domaines où l’alternative de la production Open Source se developpe – et je prédis que cela affectera tous les domaines – il y aura un effet similaire sur les prix et les bénéfices des modèles économiques traditionnels.

« Consommation collaborative »

Une autre expression de l’économie du partage est la consommation collaborative, ce que Rachel Botsman et Lisa Gansky ont démontré dans leurs récents livres respectifs What’s Mine Is Yours: The Rise of Collaborative Consumption et The Mesh: Why The Future of Business is Sharing. Il se développe rapidement une économie du partage autour du secteur des services affectant même les places de marché et les modes de vie des gens.

Par exemple, il a été estimé qu’il y a environ 460 millions d’appartements dand le monde développé, et que chaque foyer possédait, en moyenne, une valeur de 3000 dollars disponibles en biens inutilisés. Il y aurait un intérêt économique manifeste à utiliser ces ressources qui dorment. Pour la plus grande part d’ailleurs, elles ne seront pas rentabilisées, mais échangées ou troquées gratuitement. Le modèle même du partage payant aura un effet de dépression sur la consommation de produits neufs.

De tels développements sont bénéfiques pour la planète et bons pour l’Humanité, mais globalement sont-ils bons pour le capitalisme ?

Qu’arrivera-t-il à ce dernier à l’heure du développement croissant des échanges via les media sociaux, de la production et de la consommation collaborative des logiciels et des biens ?

Qu’arrivera-t-il si notre temps est de plus en plus dédié à la production de valeur d’usage (une fraction de ce qui crée la valeur monétaire) sans bénéfices substantiels pour les producteurs de valeur d’usage ?

La crise financière commencée en 2008, loin de diminuer l’enthousiasme pour le partage et la production par les pairs, est en fait un facteur d’accélération de ces pratiques. Ce n’est plus seulement un problème pour des masses laborieuses de plus en plus précarisées, mais également pour le capitalisme lui-même, qui voit ainsi d’évaporer des opportunités d’accumulation et d’expansion.

Non seulement le monde doit faire face à une crise globale des ressources, mais il fait également face à une crise de croissance, car les créateurs de valeur ont de moins en moins de pouvoir d’achat. L’économie de la connaissance se révèle être un miroir aux alouettes, car ce qui n’est pas rare mais abondant ne peut pas soutenir la dynamique des marchés. Nous nous retrouvons donc face à un développement exponentiel de la création de valeur qui ne s’accompagne que d’un développement linéaire de la création monétaire. Si les travailleurs ont de moins en moins de revenus, qui pourra acheter les biens qui sont vendus par les sociétés ? C’est, pour simplifier, la crise de la valeur à laquelle l’Humanité doit faire face. C’est un challenge aussi important que le changement climatique ou l’accroissement des inégalités sociales.

La débâcle de 2008 était un avant-goût de cette crise. Depuis l’avènement du néolibéralisme, les salaires ont stagné, le pouvoir d’achat a été maintenu artificiellement par une diffusion irraisonnée du crédit dans la société. C’était la première phase de l’économie du savoir, au cours de laquelle seul le capital avait accès aux réseaux qu’il utilisait pour créer de gigantesques multinationales.

Avec la croissance continue de cette économie du savoir, une masse de plus en plus importante des valeurs échangées est constituée de biens intangibles et non plus physiques (NdT : cf capital immatériel). Le marché des changes néolibéral et ses excès spéculatifs peut être vu comme un moyen de tenter d’évaluer la part de valeur intangible, virtuelle, qui est ajoutée à la valeur réelle par la coopération. Il fallait que cette bulle explose.

Nous nous trouvons dans la seconde phase de l’économie du savoir, au cours de laquelle les réseaux sont en train d’être étendus à toute la société, et qui permet à tout un chacun de s’engager dans une production collaborative. Ce qui crée de nouveaux problèmes et engendre de nouveaux défis. Ajoutons à cela la stagnation des revenus, la diminution de la masse du travail salarié que cette production collaborative de valeur entraîne, et il évident que tout ceci ne peut être résolu dans le paradigme actuel. Y a-t-il dès lors une solution ?

Il y en a une mais elle sera pour le prochain cycle : elle implique, en effet, une adaptation de l’économie à la production collaborative, ouvrant par là-même les portes à un dépassement du capitalisme.

Michel Bauwens est théoricien, écrivain ainsi qu’un des fondateurs de la P2P (Peer-to-Peer) Foundation.

Notes

[1] Crédit photo : Nick Ares (Creative Commons By-Sa)

Le: 02 03 2012 à 11:10 Auteur: aKa

C’était trop tentant : Windows Azure en panne à cause de l’année bissextile :)

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

Le: 01 03 2012 à 12:48 Auteur: aKa

Après des mois d’attente insoutenable, le petit ordinateur Raspberry Pi est enfin disponible à la vente !

Petit par la taille (et le prix autour d’une trentaine d’euros) mais grand par le talent et toutes les potentialités éducatives !

Je vous laisse parcourir l’article Wikipédia pour les caractéristiques techniques (tourne sous Debian mais d’autres distributions suivront). Ce qui est aussi voir surtout intéressant ici c’est la possibilité de mettre entre les mains de tous les bidouilleurs de 7 à 77 ans un objet participant grandement à soulever le capot de la technologie pour mieux comprendre, apprendre, créer, partager.

Ce n’est pas autrement que nous reprendrons petit à petit possession du monde…

Raspberry Pi

Raspberry Pi : Sous le capot de l’informatique

Raspberry Pi: computing under the bonnet

Éditorial du Guardian - 1 mars 2012
(Traduction Framalang : Poupoul2, Lamessen, Goofy)

La prochaine génération doit avoir pour objectif d’apprendre à contrôler les ordinateurs, plutôt que d’être contrôlés par eux.

C’est un paradoxe de la technologie; plus elle investit tous les domaines de notre vie quotidienne, plus elle en apparaît éloignée. Lorsque les voitures à moteur étaient rares, les premiers conducteurs devaient les démarrrer à la manivelle, mais aujourd’hui nous pouvons rouler sans la moindre inquiétude à propos de ce qui se passe sous le capot, jusqu’à ce que quelque chose ne fonctionne plus. Il y a une génération de cela, les utilisateurs d’ordinateurs devaient entrer au clavier des commandes dans une syntaxe technique pour réaliser les choses les plus simples ; aujourd’hui il suffit de toucher un écran du doigt et de lancer une application pour faire à peu près n’importe quoi.

Une informatique plus simple rend la vie plus facile, mais il se pourrait qu’elle rende la prochaine génération plus dépendante et plus ignorante de ce qu’est un microprocesseur. Le Raspberry Pi, cet ordinateur à petit prix dont la vente a démarré hier et qui pourrait bientôt faire son apparition dans les écoles, répond à cette préoccupation. Il est vendu sous la forme d’une carte de la taille d’une carte de crédit sur laquelle on trouve quelques composants à l’air libre, nous ramenant ainsi réellement aux origines, bien que pas totalement : sa vitesse d’horloge ferait honte à n’importe quelle machine des années 80. Mais les plus grands supporters du projet font partie de cette génération qui a appris l’art de la programmation à cette époque. Ce ne sont que des être humains, il s’agit donc un peu de nostalgie. Après avoir copié du code dans des pages de magazines et branché des moteurs de Lego Technic sur leurs Spectrums, ils sont tout attendris à l’idée que leurs enfants puissent revivre cette expérience concrète. Mais il existe également deux objectifs réellement sérieux.

Le premier point (et le plus évident) est - pour reprendre l’analogie avec la voiture - que la prochaine génération de mécanos du code devra venir de quelque part, et aura besoin de la connaissances des écrous et boulons de l’informatique. La difficulté de fabrication est déjà tellement importante que, malgré l’envie d’en faire un produit local, le PI est estampillé « Made in China ». En ce qui concerne les logiciels, personne, même le plus brillant, ne peut arriver comme une fleur sans avoir eu l’occasion de bricoler du code. Les plateformes propriétaires comme Windows rendent cela difficile - le capot est verrouillé - donc le Pi fonctionnera sous Linux, en open source.

Si quelques personnes qui iront concevoir des méta-langages et des jeux extraordinaires pourront plonger au cœur des systèmes d’exploitation, il faut admettre que cela restera une activité minoritaire. Mais le second avantage de mettre les mains dans l’informatique a une portée plus vaste. Lorsque de nouvelles pièces de moteurs débarquent dans des systèmes fermés, tous les langages informatiques doivent - comme Turing l’a prouvé - se conformer. Or ici, avec quelques connaissances sur la la procédure à suivre, un cerveau tout à fait ordinaire pourrait améliorer des tâches quotidiennes, comme par exemple synchroniser des agendas, réorganiser des informations ou faire passer des relevés bancaires d’un format pratique pour les banques vers un format qui soit plus facile à lire. En somme l’objectif devrait être pour la prochaine génération d’apprendre à contrôler les ordinateurs, plutôt que d’être contrôlés par eux.