Issu du monde éducatif, Framasoft est un réseau de sites web collaboratifs à géométrie variable dont le dénominateur commun est le logiciel libre.
Le travail intellectuel des programmeurs souffrirait-il d’un manque de visibilité et de reconnaissance aux yeux d’une logique managériale qui cherche à mesurer le travail effectif avec des critères dépassés ? C’est ce que laisse entendre ce témoignage qui au détour d’une plaisante anecdote met l’accent sur un relatif malaise d’une profession qu’il est difficile de cerner de l’extérieur, et même de l’intérieur d’une entreprise.
Are Your Programmers Working Hard, Or Are They Lazy? article paru sur le blog de l’auteur
Traduction Framalang : sinma, goofy, KoS
Quand quelqu’un effectue une tâche physique, il est facile d’évaluer à quel point il travaille dur. Vous pouvez le voir physiquement en mouvement et en transpiration. Vous pouvez aussi voir le résultat de son travail : le mur de briques s’élève, le trou dans le sol devient plus profond. Reconnaître et récompenser un dur labeur est un instinct assez fondamental chez l’être humain, c’est l’une des raisons pour lesquelles nous trouvons les sports d’endurance si fascinants. Cette reconnaissance d’un dur travail physique devient un problème quand on l’applique à la gestion de personnes qui travaillent à des activités techniques ou créatives. Souvent, les travailleurs intellectuels efficaces n’ont pas l’air de travailler très dur.
En 2004, j’étais développeur junior dans une grande équipe qui s’occupait du système de fourniture et de facturation d’une entreprise de télévision par câble. Comme tous les grands systèmes, il était constitué de plusieurs unités relativement indépendantes dont s’occupaient des personnes ou des équipes différentes. Les départements de TV analogiques et numériques étaient presque entièrement séparés, pris en charge par des équipes différentes.
L’équipe de la TV analogique avait décidé de fonder son système autour d’une pré-version de Microsoft Biztalk. Quatre gars de chez nous et une équipe de Microsoft le développaient et le faisaient tourner en production. Ils avaient tous l’air de travailler très dur. On les voyait souvent travailler tard dans la nuit et pendant le weekend.
Chacun laissait tomber ce qu’il était en train de faire si un problème survenait en production, ils se réunissaient souvent autour du bureau d’un type, faisaient des suggestions pour régler ce qui n’allait pas, ou pour réparer quelque chose. L’activité était permanente, et tout le monde pouvait voir non seulement qu’il y avait un véritable esprit d’équipe, mais que tout le monde travaillait très très dur.
L’équipe chargée de la TV numérique était tout à fait différente. Le code avait été, en majorité, écrit par une seule personne que l’on appellera Dave. Il était développeur de maintenance junior dans l’équipe. Au départ, j’ai eu beaucoup de difficultés à comprendre le code. Au lieu d’une seule longue procédure dans un endroit précis où tout le travail se serait effectué, il y avait des tas de petites classes et méthodes avec seulement quelques lignes de code. Plusieurs collègues se plaignirent que Dave rendait les choses extrêmement compliquées. Mais Dave me prit sous son aile et me conseilla de lire quelques livres sur la programmation orientée objet. Il m’apprit les patrons de conception, les principes SOLID, et les tests unitaires. Le code commença alors à avoir du sens, et plus je travaillais dessus plus j’appréciais l’élégance de sa conception. Il ne posait pas de problème en phase de production, il ronronnait dans son coin et faisait le boulot. Il était assez facile d’opérer des modifications dans le code, du coup l’implémentation de nouvelles fonctionnalités se faisait souvent sans aucun problème. Les tests unitaires permettaient de trouver la plupart des bugs avant la mise en production.
Le résultat de tout cela est que nous n’avions pas l’air de travailler très dur du tout. Je rentrais chez moi à 18h30, je ne travaillais jamais pendant les weekends, nous ne passions pas des heures attroupés autour du bureau de quelqu’un d’autre pour deviner le problème avec un quelconque système planté en production. De l’extérieur, notre tâche devait sembler beaucoup plus facile que celle des gens de la TV analogique. En vérité, les exigences étaient très similaires, mais nous avions un logiciel mieux conçu et implémenté, et une meilleure infrastructure de développement, notamment les tests unitaires.
La direction fit savoir que des augmentations seraient accordées sur la base de nos performances. Quand ce fut mon tour de parler au directeur, il expliqua qu’il était normal que les augmentations soient accordées à ceux qui travaillaient vraiment dur, et que l’entreprise ne semblait pas importer beaucoup à notre équipe, au contraire de ces héros qui lui consacraient leurs soirées et leurs weekends.
photo par nic’s events - CC BY-SA 2.0
Cette entreprise était l’un des rares laboratoires où l’on pouvait comparer directement les effets d’une bonne ou d’une mauvaise conception logicielle et le comportement d’une équipe. La plupart des organisations ne permettent pas une telle comparaison. Il est très difficile de dire si ce type, transpirant sang et eau, travaillant tard les soirs et weekends, constamment sur la brèche, fait preuve d’une grande volonté pour faire fonctionner un système vraiment très complexe, ou s’il est simplement nul. Sauf si vous pouvez vous permettre d’avoir deux ou plusieurs équipes concurrentes travaillant à résoudre le même problème, mais bon, personne ne fait ça, on ne saura donc jamais. Et au contraire, le type assis dans son coin, travaillant de 9 heures à 17 heures et qui semble passer beaucoup de temps à lire sur internet ? Est-il très compétent pour écrire un code stable et fiable, ou son boulot est-il plus facile que celui des autres ? Pour l’observateur moyen, le premier travaille vraiment dur, pas le second. Travailler dur c’est bien, la paresse c’est mal, n’est-ce pas ?
Je dirais qu’avoir l’air de travailler dur est souvent un signe d’échec. Le développement logiciel est souvent mal fait dans un environnement sous pression et dans lequel on est souvent interrompu. Ce n’est généralement pas une bonne idée de travailler de longues heures. Quelquefois, la meilleure façon de résoudre un problème est d’arrêter d’y penser, d’aller prendre l’air, ou encore mieux, de prendre une bonne nuit de sommeil et de laisser faire notre subconscient. Un de mes livres favoris est « A Mathematician’s Apology » (traduit sous le titre L’apologie d’un mathématicien) par G. H. Hardy, un des mathématiciens anglais les plus importants du XXe siècle. Il y décrit sa routine : quelques heures de travail le matin suivies par un après-midi à regarder le cricket. Il dit qu’il est inutile et contre-productif d’effectuer un travail mental intensif plus de quatre heures par jour.
photo par sfllaw - CC BY-SA 2.0
J’aimerais dire aux manageurs de juger les gens en regardant leurs résultats, leurs logiciels qui tournent bien, et non en regardant si les programmeurs ont l’air de travailler dur. C’est contre-intuitif, mais il est sans doute préférable de ne pas vous assoir tout près de vos développeurs, vous pourrez ainsi avoir une meilleure idée de ce qu’ils ont produit, sans être affecté par des indicateurs conventionnels ou intuitifs. Le travail à distance est particulièrement bénéfique ; vous devez apprécier vos employés pour leur travail, plutôt que par la solution de facilité qui consiste à les regarder assis à leur bureau 8 heures par jour, martelant de façon lancinante sur leur IDE, ou se pressant autour du bureau des autres pour offrir des suggestions « utiles ».
Source :
Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)
Toujours et encore les conséquences des révélations de Snowden (qui a manqué de peu d’être élu « homme de l’année » par le Time Magazine).
Ici donc, Micosoft tente de montrer patte blanche avec Windows. Mais comme le rappelle la FSF ci-dessous : « une serrure sur votre propre maison pour laquelle vous n’avez pas la clé n’est pas un système sécurisé, c’est une prison ».
FSF responds to Microsoft’s privacy and encryption announcement
John Sullivan - 5 décembres 2013 - FSF News
(Traduction : Peekmo, Dalz, Sphinx, KoS, yannux, Asta, Penguin, Llu, Sky, Diin + anonymes)
Hier, lundi 4 décembre, Microsoft a annoncé un nouvel effort pour « protéger les données de ses clients contre l’espionnage du gouvernement ». Le directeur exécutif de la FSF a publié la déclaration suivante le mardi 5 décembre :
Microsoft a déjà fait par le passé des promesses de sécurité. Au final, ces promesses sont dénuées de sens. Un logiciel propriétaire comme Windows n’est fondamentalement pas sécurisé, non pas à cause des politiques de confidentialité de Microsoft, mais parce que son code est caché aux utilisateurs mêmes dont il est supposé protéger les intérêts. Une serrure sur votre propre maison pour laquelle vous n’avez pas la clé n’est pas un système sécurisé, c’est une prison.
Même sur des systèmes d’exploitation propriétaires comme Windows, il vaut mieux utiliser des programmes de chiffrement libres comme GNU Privacy Guard. Mais quand personne à part Microsoft ne peut voir les dessous du code, ou corriger les problèmes découverts, il est impossible d’avoir une vraie chaîne de confiance.
Si les révélations sur la NSA nous ont appris quelque chose, c’est que les journalistes, gouvernements, écoles, organisations de défense des droits, sociétés, et individus doivent utiliser un système d’exploitation dont le code peut être analysé et modifié sans l’accord de Microsoft ou de tout autre partie tierce. Si nous n’avons pas cela, les portes dérobées et la violation des droits privés sont inévitables.
L’annonce de Microsoft promet de la « transparence » pour rassurer les gens sur le fait qu’il n’y a pas de portes dérobées dans Windows, mais ce n’est certes pas une solution. La transparence dans le monde de Windows signifie uniquement des auto-évaluations commandées par Microsoft, ou un accès accordé à des tierces parties couvrant une portion très limitée du code source.
La liberté et la sécurité, ce n’est pas juste avoir le droit de jeter un œil au code. Microsoft a démontré à plusieurs reprises que sa définition d’une « porte dérobée » ne sera jamais la même que la notre. Découvrir qu’il existe une porte dérobée grande ouverte ne vous servira à rien s’il vous est interdit de la fermer.
La solution après l’annonce de Microsoft est la même qu’avant. Comme l’ancien conseiller principal de la sécurité (des données privées) de Microsoft : changez pour un système d’exploitation libre comme GNU/Linux, et ne regardez pas en arrière.
Source :
Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)
GnuPG, célèbre logiciel libre de chiffrement des messages fête ses 16 ans aujourd’hui. Et dieu sait si on en a besoin aujourd’hui pour préserver sa vie privée.
Raison de plus pour relayer et soutenir leur campagne de crowdfunding sur Goteo.
16 Years of protecting privacy
Sam Tuke - 20 décembre 2013 - GnuPG Blog
(Traduction : axl, z1tor, crendipt, FF255)
Aujourd’hui marque les 16 ans depuis la première version de GNU Privacy Guard (GnuPG). Pendant ce temps le projet est passé d’un simple hobby de hackers à un des outils les plus importants de l’anti-surveillance dans le monde. Aujourd’hui GnuPG reste un acteur important de la bataille entre surveillance intrusive et libertés citoyennes.
« Avec le temps, le logiciel libre a su se montrer un rempart efficace contre les entreprises et les gouvernements qui cherchent à nuire à la vie privée des citoyens » déclare Werner Koch, fondateur et développeur principal de GnuPG. « Bien que trouver des mécènes pour notre travail n’ait jamais été facile, avoir des outils pour la vie privée, accessibles à tous, se montre de plus en plus nécessaire. »
Certains des spécialistes mondiaux en sécurité, comme Bruce Schneier, Jacob Appelbaum et Phil Zimmerman - inventeur de PGP, utilisent maintenant GnuPG. Cet été, grâce à des lanceurs d’alerte, le monde a appris à quel point les gouvernements espionnaient les gens, et des journalistes utilisent désormais GnuPG pour chiffrer leurs courriels. Des références sur le marché des serveurs, tels que Red Hat et Debian, ont bâti leur réputation de sécurité sur des logiciels vérifiés par GnuPG.
« Le succès de la première campagne de crowdfunding de GnuPG, lors de laquelle 90% des objectifs ont été remplis en 24 heures, montre à quel point les utilisateurs sont prêts à soutenir GnuPG et ouvre de nouvelles opportunités pour le développement du projet » déclare Sam Tuke, qui gère la campagne de GnuPG. « La prochaine sortie de la version 2.1 de GnuPG et le lancement d’un nouveau site plus ergonomique vont accroître l’audience du programme et de ses versions pour Windows, Mac, Gnu/Linux et Android. »
Au fil des années GnuPG a évolué avec de nouveaux algorithmes, telle que la cryptographie à courbe elliptique, et s’est montré réactif face à de nouvelles menaces comme la récupération de clé via la surveillance acoustique. Les membres de GnuPG restent confiants sur le futur de l’application et sont prêts, avec l’aide de la communauté, à faire face à de nouvelles futures menaces sur la vie privée.
Excellente nouvelle, l’UNESCO montre l’exemple et fait elle-même ce qu’elle préconise aux autres en rendant disponibles ses propres publications sous licence Creative Commons.
Elle vient ainsi d’annoncer la création d’un portail regroupant déjà plus de 300 documents. Choix sera fait de privilégier la plus libre des licence Creative Commons, la CC By-SA, qui, on le sait, est la mieux adaptée au secteur éducatif (financé sur fonds publics).
3 exemples au hasard : S’adapter au changement climatique et éduquer pour le développement durable, Établir une proposition d’inscription au patrimoine mondial et Un référentiel TIC de compétences pour les enseignants.
UNESCO launches Open Access Repository under Creative Commons
Cable Green - 18 décembre 2013 - Creative Commons Blog
(Traduction : Aurélien Pierre)
L’UNESCO a annoncé l’ouverture d’un nouveau dépôt Open Access (NdT : Open Access ou Libre Accès) rendant disponibles plus de 300 rapports numériques, livres et articles, sous licences Creative Commons IGO (Intergovernmental Organizations).
D’après le communiqué de presse de l’UNESCO :
Actuellement, le dépôt contient des travaux dans 12 langues, incluant des rapports majeurs de l’UNESCO et des publications de recherches. De même que les 300 publications en accès libre déjà présents, l’UNESCO va proposer en ligne des centaines d’autres titres et rapports importants. Couvrant un large spectre de sujets en provenance de toutes les régions du monde, ces connaissances peuvent à présent être partagées au grand public, aux professionnels, aux chercheurs, aux étudiants et aux responsables politiques… sous une licence libre.
L’UNESCO va continuer à élargir sa bibliothèque de ressources libres avec certaines anciennes publications et avec tous les nouveaux travaux suivant l’adoption de sa politique Open Access, en avril 2013. Depuis le 31 juillet 2013, toutes les nouvelles publications de l’UNESCO sont libérées avec l’une des licences CC IGO et seront envoyées sur le dépôt Open Access. La majorité des ressources de l’UNESCO seront libérées sous licence CC By-SA (Paternité - Partage à l’identique).
Mention spéciale également à l’UNESCO pour avoir implémenté la plupart des recommandations dans sa Déclaration des Ressources Éducatives Libres, en 2012 à Paris :
d. Promouvoir la compréhension et l’utilisation de dispositifs d’octroi de licences ouvertes.
g. Encourager le développement et l’adaptation des REL dans une grande diversité de langues et de contextes culturels.
i. Faciliter la recherche, la récupération et le partage des REL.
j. Encourager l’octroi de licences ouvertes pour les matériels éducatifs produits sur fonds publics.
En ouvrant ses publications sous licence libre, l’UNESCO ne rend pas seulement accessibles et gratuites les connaissances qu’elle créé, mais elle plus importante encore elle donne ainsi l’exemple et montre la voie à suivre pour ses 195 nations membres (et 9 membres associés), dans les débats politiques actuels pour le partage sous licences libres des ressources financées sur fonds publics. Le message est clair : c’est une bonne idée que d’adopter des politiques d’ouverture des contenus qui augmentent l’accès et réduisent les coûts des ressources éducatives, scientifiques et culturelles.
Félicitations UNESCO !
Il y a un peu moins d’un an était rédigé collaborativement, lors d’un booksprint le livre Oil Contracts - How to read and understand them à l’initiative d’Open Oil.
En forçant un peu le trait on pourrait dire qu’il a pour objectif d’aider les autochtones à ne pas se faire arnaquer par les compagnies pétrolières (et leurs gouvernements), ce qui a pu se produire par le passé.
Ce livre est accessible à tous sous licence libre CC By-SA et est en cours de traduction en plusieurs langues dont le français.
Here is to a book that did not exist a week ago – “How to understand an oil contract”
Mirko Boehm - Novembre 2012 - Creative-Destruction.me
(Traduction : Goofy, Mogmi, Sphinx, mokas01 + anonymes)
Cette semaine, le projet « Open Oil » (NdT : Open Pétrole) a réalisé un véritable exploit : le « booksprint » des contrats pétroliers.
Johnny West, Zara Rahman et ceux qui les soutiennent ont réuni des experts de contrats pétroliers du monde entier à Schloss Neuhausen pour parvenir à quelque chose qui n’a jamais été fait auparavant : créer un livre qui explique comment comprendre un contrat pétrolier. Non seulement un tel livre n’existait pas, mais ils ont aussi publié ce livre sous licence Creative Commons CC By-SA. Et comme cela ne représentait pas un défi suffisant, ils ont fait tout ça en une semaine.
Les contrats pétroliers déterminent les parts respectives de revenus liés au pétrole attribuées aux compagnies pétrolières, au pays qui possède le pétrole et aux autres parties. Un extrait du livre explique ce fonctionnement :
« Ce sont les contrats sur le pétrole qui expriment la façon dont l’argent est partagé et qui expliquent qui en tirera des bénéfices. Dans ces mêmes contrats, on déterminera qui devra gérer les opérations, comment sera géré l’environnement, le développement économique local, et les droits des communautés. Le cours des actions ExxonMobil, la responsabilité de l’affaire Deepwater Horizon, la faculté de l’Ouganda à stopper ses importations pétrolières, le coût nécessaire au chauffage ou à l’éclairage de millions de foyers… Toutes ces questions dépendent directement des clauses de ces contrats, signés entre les gouvernements du monde et les compagnies pétrolières. Pendant plus de 150 ans de production pétrolière, ces contrats sont restés dans l’ombre, maintenus dans un secret touchant chaque facette de l’industrie. Ils ne sont pas rendus publics, soit parce que les gouvernements invoquent la sécurité nationale, soit parce que les entreprises veulent défendre un atout stratégique. »
Les personnes ayant déjà participé à un hackathon Open Source remarqueront que le bureau sur la photo ressemble assez à un des leurs. Un « booksprint » applique les outils et techniques de l’Open Source au monde de la rédaction de livres. Réunir les personnes adéquates, les placer dans un environnement limitant les distractions, et leur permettre de se concentrer sur la production de quelque chose qui les passionne. Comme pour les logiciels, les résultats sont impressionnants. Les outils d’édition collaborative sont utilisés pour coordonner les auteurs, les éditeurs et les illustrateurs, de la même façon que le contrôle de versions. Il est également intéressant de noter que parmi les experts ayant participé, tous l’ont fait sur une base de volontariat ou comme une part de leur métier.
Le livre « Comment comprendre un contrat pétrolier » est une bonne lecture même pour les personnes qui ne s’intéressent que de loin à la politique du pétrole. La manière dont le livre a été créé est un bon exemple de la méthode Open Source adoptée par d’autres secteurs moins liés à la technologie. Et si le livre contribue à rendre les contrats pétroliers plus compréhensibles et plus comparables, le monde en sera devenu un peu meilleur.
Interviewée par le passé sur le Framablog, nous accueillons à nouveau Carole Fabre dans nos colonnes pour vous inviter à signer une pétition-votation en faveur du revenu de base.
Si vous adhérez au concept bien entendu, celui d’un revenu versé par une communauté politique à tous ses membres, sur une base individuelle, sans conditions de ressources ni exigence de contrepartie. Ou plus simplement si vous souhaitez que ce sujet soit débattu publiquement et mis dans le futur agenda de nos politiques.
Je me souviens d’une intervention d’Antoine Moreau qui disait que « les licences libres et le revenus de base étaient les deux piliers d’une future révolution ». Utopie ou prophétie ?
Voir aussi cette conférence TEDX Bordeaux de Carole Fabre.
Amis du libre,
on sait bien que la route est longue, mais que la voie est libre !
Avec le revenu de base, je vous propose de rendre le chemin un peu moins long… :)
Le revenu de base, c’est une somme d’argent donnée mensuellement à tous les citoyens, individuellement, de la naissance à la mort, et sans aucune condition. Pour ceux qui découvrent cette idée, je vous invite à vous renseigner en allant sur le site revenudebase.info.
Vous êtes nombreux à être en route pour porter des valeurs différentes de celles qui sont en train de nous mener droit au mur. Le logiciel libre porte en lui-même une révolution de nos moyens de productions, une réappropriation de nos actes. Créer, partager, améliorer, tous contributeurs, acteurs de nos vies.
Le libre est aussi en train de sortir du code numérique seul, sa philosophie s’étend, de nombreux projets voient le jour où tout est copiable, partageable, améliorable, comme par exemple l’Open Source Ecology Project.
C’est un réel changement de paradigme, de projet de société, de vivre ensemble. Beaucoup d’entre vous travaillent bénévolement pour faire avancer le changement nécessaire, le soir, les week-ends. Beaucoup d’entre vous, si vous n’êtes pas au chômage ou au RSA, travaillent la journée dans des entreprises qui n’ont pas encore amorcé ce cap et qui, hélas, bien souvent, n’ont pas l’intention de le faire. Et il y a quelques chanceux qui ont réussi à trouver à être rémunérés avec leur passion du libre, mais si rares…
Alors, le revenu de base, c’est le booster indispensable pour accélérer la mutation, le levier qui va nous permettre de nous consacrer à fond à nos passions.
Les Suisses, grâce à leur système référendaire, ont obtenu récemment le nombre de signatures suffisantes pour que le revenu de base passe en référendum. Cela va avoir lieu d’ici deux ans.
En Europe, il existe, depuis peu, un système qui se rapproche de la démocratie suisse. Ce sont les Initiatives Citoyennes Européennes, ICE pour le raccourci. Une ICE, pour que le revenu de base soit étudié par les institutions européennes, a démarré au printemps 2013. Si nous atteignons 1 million de signatures avant le 14 janvier 2014, la commission européenne pourra lancer de vastes études tant économiques que sociales pour étudier l’impact du revenu de base dans nos sociétés … et donc à terme l’instaurer rapidement ? Nous l’espérons.
Sachez, que de nombreuses études ont déjà eu lieu à ce sujet, notamment au niveau du financement, vous retrouverez tous les liens sur le site revenudebase.info et sur le site du BIEN (Basic Income Earth Network).
Même si vous n’êtes pas complètement convaincu de cette idée, si vous n’avez pas eu le temps de bien vous renseigner, signez cette pétition-votation pour faire avancer l’idée en Europe et en France.
Plus de 170.000 citoyens européens ont déjà signé, faites-vous aussi entendre votre voix !
Pour signer directement c’est ici : sign.basicincome2013.eu
(le site européen est basicincome2013.eu)
Et comme c’est officiel, vous devez fournir votre identité exacte et même un numéro d’identité. Cela fait peur à beaucoup de monde, nous n’avons pas l’habitude. En général, un simple mail suffit pour signer des pétitions en ligne. Là nous sommes dans un cadre officiel, c’est comme une votation. Tout est hébergé sur des serveurs au Luxembourg, tous est chiffré et les fichiers seront détruits deux mois après la fin de l’ICE. Pas de panique, donc, hein :)
C’est sûr, c’est pas gagné encore pour atteindre les 1 million de signatures, mais tout est possible, car en fin de course, bien souvent nous nous réveillons pour signer : )
Et puis c’est bientôt Noël et le Père-Noël, lui-même en personne, a promis de nous aider :D
Les deux personnages de la mini bande dessinée de Nina Paley se parlent maintenant en français.
— Vous voulez en lire davantage ? Allez voir quel petit cadeau nous vous avons préparé
Si les abeilles disparaissaient de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre, estiment certains apiculteurs.
Or on assiste depuis une décennie à un phénomène inquiétant en Europe : le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles.
Et si le Libre permettait d’améliorer la situation en rendant plus accessible la création de ruches ?
Tel est, en gros résumé, l’objectif principal du projet Open Source Beehives qui propose, entre autres choses, des plans de ruches à monter soi-même sous licence libre (CC By-SA).
Can A Smart Beehive Network Of Open-Source Hives Help Stop The Bee Apocalypse?
Ben Schiller - 18 novembre 2013 - FastCoExist.com
(Traduction : goofy, ardeur, Llu, KoS, Asta, Penguin, Llu + anonymes)
Le projet Open Source Beehives (NdT : Ruches Open Source) vise à ouvrir la voie à l’apiculture à la maison, avec des plans de ruche simples et bon marché. Les abeilles mourant par millions, il faut propager l’information.
Des millions d’abeilles sont mortes — et c’est un vrai problème car nous en avons vraiment besoin. Une centaine de cultures agricoles (d’une valeur estimée à 30 milliards de dollars) dépendent des abeilles pour la pollinisation, sans compter qu’en bénéficient également toutes sortes d’animaux et de plantes. Nous ne pouvons pas vivre sans abeilles.
Les causes de ce syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles (appelé Colony Collapse Disorder en anglais, ou CCD) n’ont pas encore été clairement établies, bien qu’il existe deux suspects principaux, selon une étude récente de l’USDA (NdT : United States Department of Agriculture, le Département de l’Agriculture des États-Unis). Un coupable potentiel est un acarien parasite appelé Varroa destructor, qui suce un fluide du système circulatoire des abeilles et qui porte un virus. L’autre suspect est l’augmentation de l’utilisation d’une classe de pesticide appelée néonicotinoïde. Depuis 2006, époque où les néonicotinoïdes ont commencé à être utilisés largement, les apiculteurs ont signalé qu’ils avaient perdu de 30 % à 90 % de leurs ruches.
Quelle que soit la cause, les agriculteurs vont devoir reconstituer la population d’abeilles, ce qui implique plus de ruches et davantage d’apiculteurs. Le projet Open Source Beehives espère y parvenir en diffusant des plans de ruches simples et bon marché pour qu’il soit facile à n’importe qui de fabriquer la sienne, et encourager la collaboration entre les concepteurs, les techniciens, les chercheurs et les amoureux des abeilles. Pour l’instant, il existe deux modèles : le Colorado Top Bar (dépôt sur GitHub) et le Warré (dépôt sur GitHub). Les équipes à l’origine de ces plans travaillent constamment sur des améliorations.
« Ce plan, facilement transportable, peut être réalisé à partir d’une simple planche de contre-plaqué et s’assemble en quelques minutes sans vis ni colle, comme une Wikihouse pour abeilles » déclare Tristan Copley Smith, de Open Tech Forever, un groupe qui diffuse la technologie open source. Open Tech Forever a imaginé le concept de ruche open source à peu près au même moment qu’un autre groupe, le Fab Lab de Barcelone, l’un et l’autre espèrent désormais impliquer d’autres personnes.
Outre la propagation de ruches bon marché, leur but est d’améliorer la surveillance des abeillles. Ils appellent tous les deux à la conception de capteurs bon marché, pour mesurer l’humidité, la température et d’autres paramètres. Cela aidera les apiculteurs à suivre la santé des colonies et les chercheurs à en apprendre davantage sur ce qui se passe réellement à l’intérieur de la ruche. La version Warré est déjà installée à différents endroits, les capteurs ont été testés à Barcelone, Paris et Bruxelles. Vous pouvez en découvrir davantage sur cette technologie ici :
« Notre objectif est de créer un réseau maillé de colonies intelligentes, qui crée des données ouvertes, partagées sur la plateforme Smart Citizen pour étudier le syndrome d’effondrement et ses causes », explique Colpey Smith. « Nous voulons encourager et faciliter l’apiculture à la maison, tout en éduquant les apiculteurs aux bonnes pratiques et à la création de systèmes d’alerte automatisés ».
Dans cette lettre ouverte du projet Open Source Beehives, vous trouverez plus d’informations sur leurs plans et comment vous investir. « Nous sommes à la recherche de collaborateurs intéressés pour tester nos ruches et nos capteurs avec des colonies actives, si possible dans l’hémisphère sud où c’est actuellement le printemps » dit Copley Smith. « Nous aimerions faire un maximum de tests avant de lancer une campagne Kickstarter en janvier. »
Toujours à la recherche d’alternatives à vous proposer, Framasoft a trouvé important de relayer et promouvoir le récent projet d’Aral Balkan, c’est pourquoi nous traduisons ici (merci à kinou pour son aide !) la page de lancement de sa version bêta.
Découvrez Schnail, vous allez l’adorer.
Ça vous dirait de bénéficier d’un service de courrier gratuit à vie ?
— Eh bien c’est exactement ce que Schnail Mail vous propose dès aujourd’hui .
Avec Schnail Mail vous pouvez envoyer autant de messages que vous voulez, de vraies lettres et des cartes postales, tout ce que vous voulez.
C’est entièrement gratuit et c’est pour la vie.
Votre courrier gratuit, à vie…
Cette offre vous intéresse ? Vous avez envie d’en profiter ?
Pour que tous vos amis puissent aussi bénéficier de Schnail Mail, il vous suffit de cliquer sur le bouton ci-dessous :
Bon, il faut préciser qu’il y a un petit inconvénient :
Nous ouvrons votre courrier.
Et nous le lisons.
Petit inconvénient : nous lisons votre courrier.
Mais nous ne le faisons que pour vous rendre service et informer vos destinataires des offres exclusives et des produits qui pourraient les intéresser.
Nous ne cherchons qu’à rendre service.
(Nous conservons également une copie de chacune de vos lettres pour pouvoir créer un meilleur profil de vous et de vos amis, et ainsi vous envoyer des offres toujours plus personnalisées au fil du temps. Considérez que nous sommes pour vous comme un ami invisible que vous ne connaissiez pas)
Ensuite nous refermons soigneusement votre lettre et nous l’envoyons.
Impeccable, comme si nous ne l’avions pas ouverte.
J’espère que vous êtes toujours intéressé par Schnail Mail. N’hésitez pas à cliquer sur le bouton ci-dessous pour nous faire savoir que vous êtes prêt à utiliser Schnail Mail :
Mmmh, vous avez changé d’avis ? Je ne vois pas pourquoi.
C’est comme ça que fonctionne Gmail.
Vous utilisez bien Gmail, non ?
Pourquoi n’aimeriez-vous pas Schnail ? Nous vous proposons simplement l’équivalent de Gmail pour votre vrai courrier.
La différence c’est qu’avec Gmail, Google ne se contente pas de lire votre courrier électronique pour mieux vous profiler, mais va aussi en tirer toutes les données que vous confiez à vos messages pour les transmettre à des dizaines de services et applications : par exemple Google drive (tous vos fichiers), Google+ (vos amis, vos proches, les mises à jour de vos statuts…), Google Now, Google Maps, etc. (où vous étiez, où vous êtes, avec qui, où vous serez demain) et ainsi de suite, continuellement.
Les choses du reste ne s’arrêtent pas là. Google vend aussi des appareils bon marché (des smartphones sous Android, des tablettes et des Chromebooks) qui vous facilitent la vie quand il s’agit de s’inscrire à leurs services.
En fait, maintenant Google est en train de devenir fournisseur d’accès à Internet. Si votre identifiant pour Internet est aussi votre identifiant pour les services de Google, toute votre activité en ligne peut être captée et analysée quel que soit l’appareil ou le service que vous utilisez.
Alors reconnaissez que Schnail Mail n’est pas aussi intrusif, n’est-ce pas ?
Qu’en dites-vous ?
Faites confiance à votre copain Schnail Mail.
Source :
Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)
Il y a vingt ans, Daniel Ichbiah écrivait :
La connaissance planétaire est à la portée de votre micro-ordinateur. Des bibliothèques bourrées à craquer de littérature, images et sons. Des plus beaux tableaux du musée du Louvre jusqu’à la plastique de Cindy Crawford en passant par des mélopées new age inédites, des extraits de Thelonious Monk ou l’intégrale des Fables d’Ésope. Un geyser d’informations indescriptible. Avec la possibilité de communiquer avec des milliers de passionnés du même sujet, d’échanger idées, documents, clips vidéo… Il ne s’agit pas d’un rêve éveillé. Cela ne se passe pas en 2020, ni même en 2010 ! Vous pouvez l’avoir chez vous en 1994. Il s’agit d’Internet, le réseau qui regroupe déjà trente millions de branchés du monde entier.
Aujourd’hui… le même enthousiaste d’alors publie un pamphlet pour dénoncer la confiscation de nos biens culturels par les nouvelles superpuissances.
Aujourd’hui… ou plutôt non, c’est déjà hier que pour une poignée de dollars Google s’est approprié la culture mondiale. C’est hier que nous avons vu le mouvement inéluctable par lequel les éditeurs finissent par passer des accords de numérisation des imprimés avec Google. Et c’est bien cette année qu’a éclaté le scandale de la numérisation concédée par la BNF (oui, la Bibliothèque Nationale de France !) à des opérateurs privés qui mettent ainsi la main sur le domaine public.
Dans ce contexte, la décision de la Bibliothèque Nationale norvégienne semble d’une audace inouïe, alors qu’on devrait la considérer comme allant de soi : donner l’accès numérique à leur culture à tous les citoyens devrait être un principe partagé. Même en France.
Lire une page à la plage… (Photo mikemol- CC BY 2.0)
Article original du magazine Techdirt
Traduction Framalang : audionuma, sinma, goofy, KoS, Penguin, peupleLà, Sky, lamessen
Voici une nouvelle plutôt étonnante qui nous vient de Norvège :
La Bibliothèque Nationale de Norvège prévoit la numérisation de tous les livres d’ici le milieu des années 2020. Oui, tous. Tous les livres. Du moins les livres en norvégien. Des centaines de milliers de livres. Chacun des livres du fonds de la Bibliothèque Nationale.
Bon, dans n’importe quel pays normal — appelons « normal » un pays où le copyright a atteint des sommets de démence monopolistique —, si lesdits livres étaient encore sous copyright, et à supposer que leurs éditeurs en aient au préalable autorisé une version numérique, on ne pourrait probablement y avoir accès que dans un réduit spécialement conçu à cet usage au troisième sous-sol de la Bibliothèque Nationale, et les lire sur un (petit) écran, sous le regard de gardiens placés de chaque côté, chargés de vérifier qu’aucune copie illégale n’est effectuée.
Voici tout au contraire ce qui va se passer avec la collection numérisée de la Bibliothèque Nationale norvégienne :
Si, selon l’adresse IP de votre machine, vous résidez en Norvège, vous aurez la possibilité d’accéder à tous les ouvrages du XXe siècle, y compris ceux qui sont encore sous copyright. Les œuvres hors copyright, quelle que soit la période, seront accessibles en téléchargement.
Comme le souligne avec humour Alexis C. Madrigal dans son article du magazine The Atlantic, il peut y avoir des conséquences plutôt intéressantes à ces approches de la numérisation si différentes entre la Norvège et les USA :
Imaginez les archéologues numériques du futur tombant sur les vestiges d’une civilisation datant du début du XXIe siècle, dans un antique data center au fin fond de la toundra en plein réchauffement climatique. Ils fouillent tout cela, trouvent quelques débris de Buzzfeed et de The Atlantic, peut-être un fragment de l’Encyclopaedia Britannica, et puis soudain, brillant comme une pépite au milieu des résidus numériques : une collection complète de littérature norvégienne.
Tout à coup, les Norvégiens deviennent pour les humains du XXVIIe siècle ce que les Grecs de l’Antiquité ont été pour notre Renaissance. Tous les couples des colonies spatiales se mettent à donner à leurs enfants des prénoms comme Per ou Henrik, Amalie ou Sigrid. La capitale de notre nouvelle planète d’accueil sera baptisée Oslo.
Voilà ce qui arrive aux pays qui imposent des lois abusives en matière de copyright. Non seulement elles empêchent les artistes d’aujourd’hui de créer leurs œuvres en s’appuyant sur celles de leurs prédécesseurs — une pratique qui était habituelle pendant des siècles avant que n’apparaissent récemment les monopoles intellectuels — mais ces lois vont jusqu’à mettre en péril la conservation et la transmission de cultures entières, tout cela en raison du refus des éditeurs d’adapter la règlementation du copyright à notre temps, c’est-à-dire d’autoriser la numérisation à grande échelle et la diffusion à la façon dont la Norvège l’envisage.
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Framabook a le plaisir de vous faire part de la parution d’un nouvel ouvrage qui vous initiera à la méthode des éléments finis.
Vous trouverez des détails sur l’ouvrage sur sa page Framabook. Son auteur, Jean-Pierre Aubry, est ingénieur à La Machine, célèbre compagnie de théâtre de rue dont la particularité est entre autres de présenter de gigantesques structures artistiques.
À l’occasion de la sortie de son livre, Jean-Pierre Aubry a bien voulu répondre à quelques questions à propos de ses activités et de ce manuel paru dans la collection Framabook. Framabook : Bonjour Jean-Pierre. Tu publies un ouvrage plutôt complexe sur la méthode des éléments finis dans la collection Framabook. Ce manuel a ceci de particulier qu’il introduit à l’utilisation de Code_Aster. Comment as-tu découvert ce logiciel libre ?
Jean-Pierre Aubry : J’ai commencé ma carrière il y a bien longtemps déjà en concevant des voiliers avec Philippe Harle. Et dès le début des années 1970 nous utilisions un calculateur électronique (Hewlett Packard 9810, si je me souviens bien) pour automatiser certaines tâches de conception répétitives impliquant du calcul numérique. À cette époque, le terme ordinateur n’était pas encore omniprésent, les machines n’avaient pas d’écrans, et les résultats étaient des chiffres imprimés sur une bande de papier.
En 1986 j’ai participé à la conception d’un voilier pour lequel le CEA (Cadarache) avait offert des moyens, matériels et humains, en matière de calcul par éléments finis, pour valider un module de calcul adapté aux matériaux composites, cette collaboration m’avait ouvert les yeux sur les possibilités de cette méthode… qui est devenue, par la suite, un fil conducteur dans ma vie professionnelle, hormis peut être le passage par la conception des appareils à pression de gaz, ou des citernes de transport de matières dangereuses, de l’essence aux composés les plus dangereux en passant par les acides chlorhydrique ou fluorhydrique par exemple. En effet ces objets sont conçus selon des règles empiriques (au vrai sens de ce terme, souvent galvaudé) datant de la fin du XIXe siècle, soigneusement améliorées depuis et considérées, par toutes les autorités du monde, comme suffisantes.
Précédemment j’avais été responsable du département simulation numérique d’un bureau de recherche et développement où nous utilisons le logiciel SAMCEF®, un poids lourd de la catégorie.
Le passage sous licence GPL de Code_Aster en 2001 est un évènement qui n’était passé inaperçu aux yeux de personne dans la communauté des utilisateurs de logiciels de modélisation numérique, mais la réputation d’être rébarbatif était telle que je ne m’y étais pas intéressé. C’est presque tout naturellement qu’en 2005, pour les travaux de La Machine, nous avons fait l’acquisition d’une licence de SAMCEF® qui, pour quelques dizaines de milliers d’euros, était encore bien loin d’être complète. Parallèlement je menais une veille technologique et j’avais déjà regardé plusieurs logiciels open source de calcul par éléments finis. Il y en a des dizaines mais aucun d’eux ne couvrait vraiment nos besoins.
En 2007 j’ai sauté le pas, téléchargé le live CD de CAELinux contenant Salome-Meca et Code_Aster (j’utilisais déjà plus ou moins régulièrement Gmsh) et je m’y suis mis. Les débuts ont été laborieux et après deux ans de travail en parallèle avec le logiciel précédent, j’ai considéré que je savais utiliser Code_Aster et qu’il donnait les résultats attendus. Et voilà « by appointement to La Machine » pour Code_Aster !
FB : Depuis la libération de ce logiciel par EDF, une communauté Code_Aster a vu le jour, et dont tu es l’un des membres. Peux-tu nous présenter cette communauté et ses activités ?
JPA : En fait il y a deux entités quelque peu distinctes.
D’une part il y a une communauté informelle autour de Code_Aster, ce sont des utilisateurs qui s’entraident par l’intermédiaire de plusieurs forums hébergés sur le site de Code_Aster. On y trouve principalement des questions concernant l’installation, l’usage voire le développement et cela s’apparente à une auberge espagnole. C’est d’ailleurs après avoir participé à quelques centaines d’interventions sur ces forums que m’est venue l’idée d’écrire ce livre. Au moment où sa rédaction s’achève, je constate d’ailleurs que les quelques centaines de participations sont en passe de devenir deux milliers.
D’autre part, il existe une communauté formelle plus restreinte, le réseau ProNet, regroupant les entreprises qui utilisent Code_Aster à titre professionnel soit pour la réalisation de calculs pour leur propre usage, soit en tant que sociétés de services. Et là hormis la promotion de Code_Aster, voire son enseignement, les questions évoquées sont plus spécialisées.
FB : Dès le premier chapitre, tu signales que le livre n’est ni un livre d’ingénierie mécanique ni un livre dédié au design structurel. Pourquoi ce choix d’en rester à la méthode des éléments finis ?
JPA : En fait c’est assez simple : en plus de 300 pages je n’ai couvert que quelques centièmes des capacités de Code_Aster, dont je ne connais probablement pas beaucoup plus d’une grosse dizaine, et j’ai dû faire des choix pour avoir un fil directeur et ne pas trop m’évader. Ajouté à cela, un précis de conception de structure aurait produit un livre bien plus volumineux et m’aurait amené sur des terrains où mes connaissances sont encore bien trouées(1) !
Quoi qu’il en soit, les deux sujets sont fondamentalement différents. Le calcul de structure dans sa déclinaison éléments finis n’est qu’une AIDE à la conception. De nombreuses structures remplissant correctement leur rôle ont été construites sans aucune simulation numérique. Caravelle et Concorde ont été conçus à l’époque où l’outil de conception des bureaux d’étude le plus avancé était une règle à calcul (c’est sur un objet de ce type que s’appuie le personnage représenté sur la couverture). A contrario il est tout à fait possible de faire la justification par la méthode des éléments finis d’une structure médiocre voire dangereuse !
FB : La Machine… c’est quoi ? tu y fais quoi avec Code Aster ? Tu utilises d’autres logiciels libres ?
JPA : La Machine est à l’origine une troupe de théâtre de rue produisant ses propres spectacles et construisant les « marionnettes » qui sont les vraies actrices du spectacles. Le mot « marionnettes » se réfère plus à leur mode de fonctionnement qu’à leur taille car celles-ci mesurent entre 10 et 20 m, longueur et hauteur, pour un poids de plusieurs dizaines de tonnes. Elles évoluent au milieu du public, dans des spectacles gratuits. Le risque qu’elles représentent est important et impose un dimensionnement rigoureux, sans parler de l’environnement réglementaire de plus en plus contraignant. Prévenir ce risque en matière de structure est ma responsabilité ici.
Ceci nous a amenés à une chaîne de conception qui n’a rien à envier aux industries les plus avancées avec les mêmes outils de conception assistée par ordinateur. La petite poignée de dizaines de milliers d’euros investie dans un logiciel de calcul par éléments finis (et encore pour une version basique) me laissait assez insatisfait alors que tout le reste de mon travail était déjà réalisé avec des logiciels libres, sous Linux, avec Gnumeric pour tous les calculs, LaTeX pour la rédaction des documents, etc.
FB : Ce livre est en anglais (et en couleur). Pourquoi ce choix ?
JPA : En anglais parce que ce langage est dominant sur le forum utilisateur de Code_Aster et dans la communauté scientifique en général. Si je peux me permettre une petite digression ici : c’est en s’exprimant en anglais que la communauté scientifique francophone se fait connaître du reste du monde et en sort renforcée.
En couleur ? Ouvrez les pages consacrées à la visualisation des résultats et essayez de les imaginer en nuances de gris. On passe du rouge au noir pour la zone des valeurs maximum qui posent problème, et du bleu au noir pour les zones des valeurs minimum qui peuvent en poser aussi, alors que les valeurs intermédiaires au demeurant moins critiques sont représentées en nuances de gris !
FB : Le fait que Code Aster soit libre, est-ce que cela est un avantage pour les métiers qui l’utilisent ?
JPA : Code_Aster permet de réaliser tous les calculs, des plus simples aux plus sophistiqués, pour un coût d’acquisition nul. L’investissement intellectuel nécessaire à sa prise en main dépend essentiellement des antécédents de l’utilisateur, et à mon sens, il n’est que marginalement supérieur à celui des logiciels commerciaux. En fait, une utilisation avancée d’un code commercial va finir par se faire en passant par dessus la fameuse interface graphique utilisateur et là on revient à égalité avec Code_Aster. À ce stade, la différence n’existe plus : l’utilisateur de Code_Aster a appris depuis longtemps à poser le problème hors de cette interface.
Pour les utilisateurs avancés, la possibilité d’intégrer facilement ses propres développements au sein même du code est un avantage déterminant. Et, last but not least, la communauté des utilisateurs offre, via son forum, une réponse plus rapide que la plupart des hot lines commerciales.
Note
(1) Ceci étant, l’idée de faire un livre « Le calcul de structure, c’est quoi ? pour les nuls » est une idée qui me trotte dans la tête depuis des dizaines d’années. Le modèle du genre étant à mon sens ceci : http://en.wikipedia.org/wiki/J.E._Gordon
Source :
Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)
La Banque de France a publié ce jeudi 5 décembre une note sur le bitcoin « monnaie non régulée qui n’offre aucune garantie ». Cela a été repris dans tous nos grand médias, d’autant que la banque centrale chinoise s’y est mise à son tour, interdisant officiellement à ses institutions d’utiliser cette drôle de monnaie (conséquence directe : chute momentanée de son cours en yuans de près de 35%).
Or, quand on lit les articles de la presses nationale, on est frappé par le long exposé anxiogène des risques que représente bitcoin, reprenant ainsi les arguments dans la Banque de France, trop rarement (litote) contrebalancé par ses avantages.
Or ils sont nombreux, à commencer par, tiens, tiens, pouvoir (enfin) se passer des banques… CQFD
Maintenant que le bitcoin a grandi et que de plus en plus d’organismes l’acceptent comme mode de paiement, la guerre est ouvertement déclarée. Parce que se passer des banques, c’est tout simplement révolutionnaire par les temps qui courent où l’économique a pris le pas sur la politique…
PS tout à fait personnel : Les banques (avec la complicité des gouvernements) ont quand même beau jeu de nous faire la leçon après la crise des subprimes. 2 infos récentes du mois dernier qui intéressent beaucoup moins les médias que les pseudo-problèmes sociétaux (et surtout pas sociaux) du mariage, du racisme ou de la prostitution : une rallonge de 1,5 milliard d’euros aux collectivités pour qu’elles renoncent à tout contentieux contre les banques et Euribor, Libor : la manipulation des taux coûtera 1,7 milliard d’euros d’amende à six banques européennes (mais minimisées selon leur ordre d’arrivée). On nous prend vraiment pour des cons !
Why Banks are Declaring War on Bitcoin
Mark Maunder - 5 décembre 2013 - Blog personnel
(Traduction : Goofy, crendipt, Shanx, Jérémie, Jérémie, Tr4sK, Asta, Omegax, Sky + anonymes)
Et si nous vivions dans un monde où toutes les transactions se faisaient de personne à personne et ne coûtaient quasiment rien ?
Et si nous vivions dans un monde où la valeur de l’argent que vous épargnez augmentait petit à petit, non pas grâce aux intérêts, mais simplement parce que, avec le temps qui passe, vous pouvez acheter plus de trucs avec la même somme ?
Et si s’endetter devenait une très mauvaise idée parce que, si vous détenez 10 unités de monnaie aujourd’hui, et que la valeur de celle-ci augmente lentement, alors vous devrez graduellement de plus en plus d’argent ? Ainsi, personne ne voudrait s’endetter.
Et si s’endetter devenait une très mauvaise idée parce qu’épargner devient une très bonne idée, parce que peu importe la somme que vous possédez, elle vaut de plus en plus à mesure que le temps passe ? Elle augmente non pas parce qu’elle est exploitée par une banque, mais parce que plus de gens veulent la même somme.
C’est le monde vers lequel nous nous dirigeons, car c’est ainsi que Bitcoin fonctionne. Un univers en parallèle des banques qui laisse celles-ci en position de faiblesse.
Bitcoin n’est pas une banque centrale où l’afflux d’argent peut-être régulé par une charte, charte pouvant être contrôlée par les lobbys et manipulée par les grands industriels. L’apport de la monnaie Bitcoin est gouverné par un algorithme, et cet algorithme assure que Bitcoin sera toujours sujet à la déflation. Cela signifie que le rythme auquel la monnaie Bitcoin est créée se ralentira progressivement pour complètement s’arrêter tôt ou tard. Par conséquent, aussi longemps que l’activité économique (qui dicte la demande monétaire) augmente doucement, cette devise vaudra progressivement un peu plus.
Traditionnellement, la déflation, pendant laquelle la monnaie vaut plus et les prix des denrées et services chutent, est le pire cauchemar des économistes. Ceci parce que lorsque vous êtes en déflation, les salaires baissent. La plupart des consommateurs sont endettés d’une façon ou d’une autre. Si vous devez 100 000 dollars pour votre maison et que votre salaire passe de 50 000 à 30 000 dollars par an, vous avez un gros problème. Vous commencez à dépenser moins, l’activité économique ralentit et cela alimente une déflation plus forte. Une économie peut ainsi entrer dans une spirale déflationniste.
Dans l’économie Bitcoin, la déflation est au cœur de la devise. Cela signifie que c’est une très mauvaise idée d’emprunter de l’argent en Bitcoin parce que vous devrez de plus en plus au fur et à mesure que le temps passe et que vous ne serez jamais en mesure de le rembourser. Par contre, si vous ne vous endettez jamais et que vous décidez d’épargner, l’argent que vous conservez vaudra un peu plus chaque jour.
C’est un cauchemar pour les banques parce qu’elles veulent que vous empruntiez toujours plus afin que vous payiez des intérêts sur vos emprunts. Elles veulent ainsi maintenir un écart entre les intérêts que vous payez, et ceux qu’elles paient pour emprunter l’argent qu’elles vous ont prêté.
C’est un plus grand cauchemar encore parce que les banques veulent que vous ouvriez un compte d’épargne et y déposiez de l’argent afin que vous puissiez percevoir des intérêts dessus et rester en phase avec l’inflation. Si vous ne déposez pas suffisamment d’argent à la banque dans un contexte inflationniste, votre argent perdra de la valeur. Mais si vous déposez de l’argent dans une banque, elle l’investira à votre place, percevra des intérêts, vous reversera des intérêts à un taux plus bas et conservera la différence. Donc si vous n’alimentez pas un compte d’épargne parce que votre argent prend de la valeur automatiquement par la déflation, les banques perdent.
Pour résumer, vous n’empruntez pas et vous ne déposez pas votre argent dans un compte d’épargne ou un compte d’investissement pour suivre le rythme de l’inflation, par conséquent les banques perdent les revenus des prêts et des dépôts qui leur permettent d’emprunter peu et de prêter beaucoup, qui est un de leurs modèles économiques de base.
Donc, que reste-t-il à faire aux banques ? Et bien, elles pourraient seulement passer leur temps à faciliter les transactions comme le font Visa, Mastercard, le réseau SWIFT, Western Union Money Transfer et d’autres. Mais on a déjà dit que les transactions Bitcoin sont faites de personne à personne et coûtent très peu. Les banques ne perçoivent même pas ce revenu.
Et c’est pour cela que les banques travaillent très, très dur en coulisse pour essayer de tuer Bitcoin avant qu’il ne les tue. Voilà quelques exemples :
Les banques qui sont le plus effrayées sont les banques qui se développent dans les pays comme l’Afrique du Sud, où les frais de transactions sont bien plus élevés que dans les pays développés. Ces frais sont élevés car les déposants ont tendance à être en moins bonne santé et épargnent de plus petites sommes, donc pour contrebalancer le fait qu’il y ait moins d’argent pour que les banques puissent investir, celles-ci assomment leurs clients avec de gros frais de transactions. Les pays développés ont tendance à avoir de nombreuses populations migrantes qui envoient de l’argent dans leurs familles à l’aide de services tels que Instant Money qui permet l’envoi d’un code par SMS à une personne qui peut ensuite aller dans un supermarché local afin de recevoir la somme associée. Les frais de transactions pour de tels services sont élevés et si Bitcoin devient un mode de transfert et de stockage d’argent plus efficace en terme de coûts, les banques des pays développés vont perdre un business très lucratif.
La guerre contre le Bitcoin vient tout juste de commencer. Les banques traditionnelles ont un gros stock de munitions pour la mener car leurs munitions c’est l’argent.
L’Internet des débuts était plus libre que l’actuel. Les monnaies chiffrées seront peut-être les plus libres qu’il n’y en ait jamais eu jusqu’à présent.
On pourra relire à l’occasion ces 3 articles du Framablog :
Un gus nous propose sa version de « la licence la plus fermée du monde » sur un site légitimant les robots tueurs (ben, oui, on y viendra aussi).
C’est satirique mais ça n’est pas loin de certaines situations malheureusement bien véridiques.
The Most Closed-Source License Evar, version 1
Rudolf Winestock - décembre 2013 - Site Satirique
(Traduction : mlah, nicosomb, Mooshka, mokas01, Penguin)
Ce site est protégé par…
La licence La-plus-fermée-de-tous-les-temps version 1
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Lire cette licence entraîne l’accord automatique de ces termes ainsi que l’accord à toute modification ou révision que l’Entreprise pourrait effectuer dans le futur à sa propre discrétion sur ce site, un site aléatoire, ou dans un autre univers. Aucun juge ou médiateur ne pourra rendre un avis sur la validité légale de cette licence ; en fait, tous les juges et médiateurs sont liés aux termes de cette licence même s’ils ne l’ont jamais lue ou ne savent pas qu’elle existe.
Objecter, argumenter contre ou citer la moindre ligne de cette licence est interdit. Si le Couillon fait la moindre de ces choses, n’importe lequel ou tous les employés de l’Entreprise, leurs délégués, copains, potes de beuverie ou n’importe qui parmi leurs connaissances ou leurs pires ennemis auront le droit de prostituer l’épouse du Couillon, de faire l’amour avec passion à la plus belle des filles du Couillon, et forcer le Couillon a déclarer aux représentants de l’ordre choisis par l’Entreprise : « je suis un pédophile pratiquant qui trafique les mineurs en fugue » sans plus de développement. Le choix de la juridiction est laissé à la discrétion de l’Entreprise (mais ladite juridiction sera au minimum à 1000 km du lieu de résidence du Couillon).
Rire de tout ou partie de cette licence, même en privé ou de façon inconsciente, est interdit.
Crédit photo : Schoschie (Creative Commons By-Sa)
Linux Voice est un nouveau projet de magazine anglophone autour de GNU/Linux et du logiciel libre. Il ne verra le jour que si son financement par crowfunding sur Indiegogo est couronné de succès (il est d’ores et déjà en passe de l’être).
Lors du lancement de la campagne, il avait été annoncé que le contenu du magazine serait rendu « free » au bout d’un certain temps.
Le problème c’est que ce terme est très flou a priori. Ils ont levé tous les doutes en adoptant la libre licence CC By-SA et s’en expliquent dans l’article traduit ci-dessous.
Un exemple à suivre pour notre presse spécialisée francophone ? (si, oui, nous sommes preneurs pour faire connaître et diffuser les articles en tout cas :))
Free licence after nine months
Ben Everard - 18 novembre 2013 - LinuxVoice.com
(Traduction : Isammoc, Lordphoenix, Marie-Lou, Penguin, Mooshka, Sky, Zergy + anonymes)
Nous avons annoncé il y a une semaine que nous essayions de lancer un nouveau magazine Linux qui rendrait tous ses contenus « free » (NdT : free peut vouloir dire à la fois « libre » ou « gratuit ») après une période maximum de neuf mois. La réponse jusqu’à présent a été phénoménale et les fonds sont arrivés bien plus vite que nous l’avions prévu.
Nous en avons discuté sur Hacker News, Reddit, Shashdot, The Register, The Guardian et des forums partout sur le web. Une question remontait régulièrement : Qu’entendez vous par « free » ? Tout le monde dans la communauté open source sait que ce simple mot peut être compris de différentes façons.
De toutes parts sur Internet, on nous a poussé à être fidèle à la liberté (NdT : au sens de « free as in freedom » comme le dirait Stallman). Clem, bien connu dans le projet Linux Mint, a même laissé entendre qu’il créera une app pour afficher le contenu libre, si tel était le cas.
Nous avons attendu avant de faire une déclaration précise car nous voulions débattre du sujet avec les différents contributeurs et les auteurs indépendants qui nous aideront à faire le magazine. La semaine dernière, nous avons compris qu’il était nécessaire de clarifier ce que nous allions faire. Il serait injuste, vis-à-vis de nos donateurs souscripteurs, de maintenir l’équivoque plus longtemps.
Il y a toujours la tentation d’ajouter des clauses aux licences. Celles qui, selon vous, n’affecteront pas vraiment la liberté mais vous protégeront un peu. Dans notre cas, ce fut la clause non commerciale. Que se passerait-il, imaginons, si un éditeur décidait de réimprimer nos articles et de gagner de l’argent avec notre travail ? Les autres magazines GNU/Linux pourraient publier nos articles sans avoir à débourser un centime.
Cependant, nous parlons des quatre libertés depuis assez longtemps pour savoir qu’elles signifient réellement quelque chose, et il est temps d’accorder nos actions avec nos paroles. Oui, les quatre libertés ont été écrites pour s’appliquer au code, mais leur esprit est facilement transférable, et une clause de non-commercialisation va clairement à l’encontre de ces libertés.
Aujourd’hui, nous pouvons annoncer que nous allons passer tout notre contenu sous licence Creative Commons Paternité - Partage à l’identique version 3.0 «unported» (CC By-SA) au plus tard 9 mois après sa publication. Pour ceux qui ne seraient pas familiers de cette licence, elle est dans l’esprit comparable à la GPL v2. C’est-à-dire que vous pouvez distribuer le contenu de la manière que vous souhaitez, et le modifier comme vous le souhaitez tant que vous mettez ces modifications sous la même licence (« unported » signifie simplement que c’est une licence internationale). Pour plus d’informations sur la licence, voyez le texte Creative Commons en anglais ou la version complète de la licence.
Vous avez peut-être remarqué que nous avons dit « après neuf mois maximum ». Nous prévoyons de rendre disponibles des articles plus tôt, spécialement ceux qui ont, d’après nous, une valeur pour la communauté. Donc, si vous voyez quelque chose qui devrait être disponible plus vite, faites-le nous savoir. Si vous êtes un enseignant désirant distribuer nos contenus à vos étudiants, ou un mainteneur de logiciels open source voulant inclure nos tutoriels dans vos pages d’aide, parlez-nous en, et nous essayerons de faire quelque chose.
Si l’on sait lire son acte manqué ferroviaire, on devine que Pouhiou n’avait pas vraiment envie de se retrouver au pied du mur, pour boucler coûte que coûte son défi d’écriture. Souhaitait-il au fond prolonger indéfiniment sa trajectoire erratique ? Ne nous penchons pas davantage sur les abysses de sa psyché, on pourrait tomber.
Il a donc d’autant plus de mérite d’avoir terminé réussi malgré lui, après un tour de piste azuréen. On l’imagine le blanc des yeux devenu rouge, les doigts dérapant sur la tablette, une ligne écumeuse adornant la commissure de ses lèvres tandis qu’autour de lui la colloc’ hailletèque en goguette fait tourner les serviettes bouteilles en goinfrant la raclette.
Chapeau (de roue) monsieur Pouhiou pour ce mois d’écriture, de voyage et de militantisme du Libre !
Il va probablement lui falloir une petite période d’ermitage dans une grotte de l’Ariège pour s’en remettre, mais il ne va pas nous lâcher, et c’est tant mieux.
Dernière ligne droite, dernier arrêt, dernières erreurs, découvertes…. et dernières rencontres. Quand quelque chose s’arrête, tout continue… Après tout, 50 000 mots, c’est juste un chiffre sur un compteur non ?
Je ne sais si c’est la fatigue ou l’abus de fromage lyonnais, je ne suis même plus capable de regarder correctement l’horaire de mon billet de train Lyon-Nice. Résultat ? Je confonds 11h01 avec 11h39, rate le train, perd le prix de mon billet preums, et doit me racheter un trajet plus long. 70 € de plus sur le budget transports juste à la fin du mois ? Ça fait plaisir ˆˆ. Peu importe, j’écris. Dans le 1er train. Durant ma correspondance, plié sur un banc sncf à Aix en Provence. Dans le 2e train. En arrivant chez Gee. Il me reste plus de 3000 mots par jour à trouver si je veux relever le défi, et force est de croire que je le veux.
Framasoft est un éditeur qui chouchoute ses auteurs. Grace à vos dons et à votre soutien (dont nous avons besoin en ce moment !) Framabook a pu par exemple organiser des dédicaces dans la librairie A Livr’Ouvert à Paris, où Bookynette la libraire distribue les ebooks gratuits, voire les #Smartarded rendus gratuits par les NoéLecteurs. C’est là que j’ai commencé à connaître Simon, alias Gee, l’auteur du Geektionnerd. On a bien vite sympathisé, en se faisant rire (et chanter quand il sort son ukulélé) ; en échangeant aussi, parfois même de manière…. créative. Gee est quelqu’un d’observateur, à l’affût du détail qui tue, ou qui dérange sa fibre militante ; toujours prêt à rire des bêtises de l’humain.
La colloc où vit Gee, c’est l‘Auberge espagnole en vrai. Avec un poil plus de thunes et de geekerie, car on est dans une colloc de doctorants (quand même). On y parle en anglais, sauf quand Lucile (la douce de Gee au naturel aussi désarmant que son regard perspicace) est par là. On y mate, sur l’ordi-TV réglé en qwerty, les youtuberies de David Armand et des séries à l’humour acide (How not to live your life, metallocalypse). Thijs, le Néerlandais à la mèche rebelle et la barbe rassurante, propose ses jeux de société et danse comme un dieu après quelques verres de vin. Ross, le bogoss britanique, est tellement heureux de rencontrer son premier french veggie qu’on finit par parler grottes (il fait de la spéléo et j’ai été guide dans un des joyaux géologiques de l’Ariège). Clément, le frenchie caféïnomane, organise des raclettes où l’on ne manque pas de vin blanc (un exploit) malgré la deadline de son prochain article…
Aux journées méditerranéennes du logiciel libre, on rencontre du beau monde…. L’inénarrable Véro de Linux Azur qui a passé la journée avec un fouet à pâtisserie suspendu au cou. Le beau Mathieu, déjà bénévole sur le Capitole du Libre, avec qui on se retrouve à Sophia-Antipolis pour mon plus grand plaisir. Thierry Stoehr, Eric de LinuxFr en pleine orga des RMLL de 2014 à Montpellier, Benjamin Bayart toujours drapé d’une dignité goguenarde… Et Hervé le Crosnier.
Je n’ai pas rencontré Hervé le Crosnier. J’étais tellement crevé, évanescent, etc… que ça ne s’est pas fait. #regret. #NextTime. En un mois de route, je ne fais que croiser des gens formidables, intéressants, qui ont chacun-e tant à partager. C’est formidablement prenant pour un introverti comme moi (si, si, je me reconnais là !). J’ai été saisi, accaparé, imprégné par ces échanges. Je peux l’avouer franchement : là, maintenant, il me tarde de rentrer chez moi pour pouvoir faire un peu mon sociopathe misanthrope…
Après une journée de train doublement payé je suis à 44 500 mots. Le vendredi 29, je passe la journée devant ma tablette. Me vide de mes procrastinations quotidiennes et conclus le chapitre 6 avec 47 677 mots (et une overdose de raclette).
Samedi 30 novembre, on tient le stand Framasoft aux JM2L. Pendant que Gee dessine la prochaine planche de SuperFlu, je discute. On rentre à 18h30. Je n’ai pas mangé et j’ai besoin d’une douche, mais là plus moyen de reculer. Chapitre 7. J’écris. Me fais du thé. Suis dans des états pas croyables quand je reviens de l’intérieur sur une scène assez violente qu’on avait éludée. 22 h : je n’écrirai pas plus. Je copie-colle mon texte dans le vérificateur du NaNoWriMo, les doigts croisés.
50 470 mots en un mois : Check.
Je l’ai fait ! PUTAIN MINE DE RIEN JE L’AI FAIIIIIIT !
Sauf que cette fin n’est en réalité qu’un moyen vers le début…
À dans trois jours, donc ;)
— Pouhiou.
Bastien Guerry co-organise l’événement « 111213 » qui aura lieu le 11 décembre 2013 à simplon.co à Montreuil, une soirée où les internautes sont invités à soutenir des logiciels libres avec des dons. Nous lui avons posé quelques questions pour comprendre le pourquoi et le comment.
Peux-tu te présenter en deux mots ?
Je m’appelle Bastien Guerry. J’ai découvert le libre en 2000 via Thierry Stoehr, alors vice-président de l’AFUL, et en lisant le recueil d’articles de Florent Latrive et Olivier Blondeau intitulé « Libres enfants du savoir numérique », paru aux éditions de l’Éclat en 2001. Depuis, je suis devenu contributeur de GNU Emacs.
La programmation, simple passe-temps, est peu à peu devenu une passion. Quand j’ai reçu des dons pour mon implication comme mainteneur d’un logiciel, ça a fait « tilt » : je me suis dit qu’il fallait que j’aide d’autres développeurs à recevoir plus de dons. C’est à ça que je consacre aujourd’hui mon énergie avec le projet http://kickhub.com
Tu lances avec d’autres un « hackadon » le 11 décembre. C’est quoi ?
C’est une soirée pour faire des dons à des projets libres, pour recenser les différentes façons de le faire et pour réfléchir ensemble au sens de ce geste.
Nous lançons ça avec Sylvain Le Bon, de http://openinitiative.com, et Frédéric Bardeau, de http://simplon.co.
Depuis quelques années, un bandeau s’affiche tous les ans sur les pages de Wikipédia pendant les campagnes de dons de la Wikimedia Foundation et de Wikimédia France. Cela a permis aux gens de se rendre compte que le sort de l’encyclopédie était entre leurs mains, et que même ceux qui ne contribuent pas directement peuvent jouer un rôle, celui de soutenir l’infrastructure technique et le mouvement Wikimédia.
Pour les logiciels libres, c’est différent. D’abord parce que bon nombre d’entre eux sont en partie financés par des entreprises ; ensuite parce qu’il n’y a pas de canal de communication unique pour solliciter des dons, les demandes avancent en ordre dispersé.
Mais imaginons une campagne qui rassemble des logiciels populaires comme Firefox, LibreOffice et VLC. Qui ne serait pas sensible à un message du genre : « Pour continuer de développer ces logiciels et pour rester indépendants, nous avons besoin de votre soutien ! » Je crois qu’une telle démarche aurait du succès et permettrait à chacun de comprendre qu’il peut être utile, non pas comme développeur, mais comme soutien ; qu’il y a encore plein de logiciels dont la survie dépend de la bonne volonté des contributeurs, et qu’en général, les entreprises ne devraient pas être seules à en assurer le financement.
Le Hackadon du 11 décembre est une première tentative de sensibilisation.
Pourquoi maintenant ?
Le déclic a été pour moi d’assister à la montée en volume du financement participatif ces deux dernières années. Ce que les gens ont l’air d’apprécier dans ces modes de financement (un contact direct avec le porteur de projet, des nouvelles régulières sur ses avancées, etc.) c’est ce qu’on fait dans les projets libres depuis toujours !
On voit de plus en plus de projets libres sur les plates-formes comme kickstarter.com, la dernière campagne pour le Ubuntu Edge a beaucoup fait parler d’elle — et pour cause : il y a une affinité naturelle entre ce mode de financement et le mode de développement du libre.
Mais le préalable est que chacun comprenne qu’en soutenant un projet libre, même modestement, il donne du temps et de l’indépendance à son développeur. Et je crois qu’aujourd’hui les mentalités sont mûres pour cette prise de conscience.
Cette soirée s’adresse à qui ?
À tous ! Nous aurons à manger et à boire pour tous les invités qui se déplaceront jusqu’à Montreuil (l’événement a lieu à Simplon.co, qui co-organise l’événement), et le message s’adresse à Monsieur et Madame Toutlemonde. Pour qu’ils comprennent la différence entre un logiciel gratuit et un logiciel libre. Et qu’ils se disent : « Mais bon sang mais c’est bien sûr, un freeware c’est juste de la publicité, alors qu’un logiciel libre c’est ma liberté ! »
Nous invitons aussi tous les développeurs qui souhaitent solliciter des dons — la soirée sera ponctuée de présentations de donateurs qui expliquent pourquoi ils donnent et de développeurs qui partagent leur passion.
Vous avez un objectif précis ?
Assez : atteindre un beau score final et passer une soirée riche de témoignages et d’échanges !
Est-ce qu’il y aura une suite ?
J’ai un peu cherché mais je n’ai pas vu d’événement du même type.
J’espère que ce hackadon donnera envie à d’autres d’en organiser. La formule est simple : se réunir pour donner à des logiciels libres. Un geste qu’on fait parfois dans son coin, mais qui prend encore plus de sens quand on explique à d’autres pourquoi on le fait.
Donc les suites possibles, ce sont d’autres hackadons ailleurs : croisons les doigts !
As-tu un rêve pour l’avenir du libre ?
Je ne veux plus voir de libriste faire du propriétaire le jour et du libre la nuit. Je ne veux plus voir de libriste dire qu’il abandonne la maintenance d’un projet parce qu’il vient d’avoir un enfant.
La main invisible du marché logiciel a tout intérêt à laisser les utilisateurs confondre le libre et le gratuit ; mais cette main, on risque à tout moment de se la prendre dans la figure tant qu’on ne donne pas plus d’indépendance aux développeurs.
C’est sûr, il y aura toujours plus de bénévoles que de donateurs, car donner de l’argent est rarement une passion. Mais Wikipédia montre l’exemple : on peut rétablir, peu à peu, la balance !
-> Hackadon du 11/12/13 : donnez au libre !
Nous avons déjà reçu deux fois le sociologue Sébastien Broca dans nos colonnes, pour une théorie de l’intelligence collective appliquée au logiciel libre et pour une critique de notre biographie de Richard Stallman.
Nous renouvelons l’invitation avec d’autant plus de plaisir qu’il s’agit d’annoncer la sortie de son livre Utopie du logiciel libre - Du bricolage informatique à la réinvention sociale (aux édition du Passager Clandestin) que nous tenons déjà pour une référence francophone dans son domaine.
Vous trouverez en annexe ci-dessous copie audio de la chronique de La Matinale du Mouv’ du 25 novembre dernier, intitulée Le logiciel libre, nouvelle révolution ?, avec pour invités Sebastien Broca et Alexis Kauffmann.
Bonjour Sébastien, petite présentation succincte ?
Bonjour Alexis. Je suis sociologue, rattaché à la Sorbonne (Université Paris 1). Je viens de publier un livre sur le Libre, dans lequel je raconte l’histoire de l’extension du logiciel libre hors du domaine informatique. J’essaie d’y montrer comment on peut à travers cette histoire éclairer certaines questions liées au travail, à la technique ou à la connaissance.
Commençons par la question « qui fâche » (pour l’évacuer) : Pourquoi ce choix de la plus restrictive des licences Creative Commons, la CC By-Nc-Nd ? C’est pour être sûr de ne pas être pris chez Framabook ? ;)
Je sais que c’est un sujet qui fâche beaucoup de libristes (toi y compris!) mais à vrai dire je trouve que ça ne devrait pas. Il faut tout d’abord rappeler que la licence By-Nc-Nd permet à tous ceux que ça intéresse de télécharger l’ensemble du texte en ligne. Cela me semble remplir l’objectif principal : donner un accès facile au livre, qui est une version largement retravaillée de ma thèse.
Pourquoi ne pas aller au-delà ? De manière générale, la clause Nc se justifie à mon avis par la nécessité de maintenir une distinction entre usages commercial et non-commercial des œuvres. Cela me paraît notamment pertinent pour défendre une réforme d’ensemble du droit d’auteur ; La Quadrature du Net et Lionel Maurel sont assez convaincants sur ce point. Dans mon cas précis, la clause Nc permet à mon éditeur de se réserver les utilisations commerciales du texte. Je trouve cela légitime étant donné qu’il a largement contribué à l’élaboration du livre et que la commercialisation de la version papier est, en l’état actuel des choses, le seul moyen dont il dispose pour gagner de l’argent. Je ne crois pas en la désintermédiation totale : un éditeur indépendant comme le mien fait un travail d’accompagnement des auteurs qu’il faut défendre. On est loin du parasitisme qu’on peut dénoncer chez certains gros éditeurs scientifiques.
Quant à la clause Nd, c’est une question qui renvoie au type d’oeuvre concerné. Je trouve que Richard Stallman est assez lucide là-dessus lorsqu’il dit que le droit de modification - important pour les logiciels et plus largement pour les œuvres fonctionnelles - n’a pas à s’appliquer aux œuvres qui expriment une opinion et aux articles scientifiques. Dans ce cadre les processus d’écriture collectifs et itératifs sur le modèle du logiciel libre peuvent parfois avoir des vertus, mais de façon générale je ne pense pas qu’il faille considérer le travail en sciences humaines comme un constant work in progress sur des textes qu’il s’agirait d’améliorer et de « déboguer. » Il y a une différence épistémologique entre programmer un logiciel et échanger des arguments dans le cadre d’une discussion rationnelle, ce qui est à peu près ce qu’on est censé faire en sciences humaines. Dans le second cas, la possibilité de modification n’est pas nécessaire.
Alors, ce livre, Utopie du logiciel libre, invite à prendre Utopie au sens de « utopie concrète ». Peux tu préciser le concept et en quoi selon toi le logiciel libre en est une ?
Oui, je n’utilise pas le terme utopie dans le sens péjoratif courant, afin de dénigrer des ambitions irréalistes et un peu farfelues. Je l’emploie plutôt pour désigner des projets qui dessinent un monde social différent dont rien n’indique qu’il soit totalement hors de portée ou, du moins, qu’on ne puisse pas s’en approcher. Cet usage positif du terme a des racines historiques dans les utopies socialistes du XIXe siècle par exemple, et des racines philosophiques chez des auteurs comme Walter Benjamin, Ernst Bloch ou plus récemment Miguel Abensour.
C’est à Ernst Bloch que je reprends l’expression en apparence contradictoire d’« utopie concrète ». Je l’applique au logiciel libre pour mettre en avant deux choses. D’une part, le logiciel libre et toutes les ramifications qu’on lui connaît désormais (de la culture libre à l’impression 3D) esquisse un modèle social différent : on peut en tirer des idées assez fortes sur ce que devrait être l’organisation du travail, le rapport aux objets techniques ou la régulation des échanges sur Internet. D’autre part, cet idéal utopique n’est pas abstrait ou purement théorique. Il est au contraire incarné et construit à travers des pratiques, que ce soit les pratiques de collaboration dans des projets comme Debian, Wikipédia ou Open Street Map, ou l’activisme de certains libristes sur les questions de propriété intellectuelle (brevets, copyright, régulation des échanges sur Internet). C’est cette conjonction d’un idéal social fort et de pratiques inventives qui permet de parler d’utopie concrète.
Tu parles de « réinvention sociale ». Qu’entends-tu par là et irais-tu jusqu’à parler de « révolution sociale » ?
Le sous-titre du livre est « du bricolage technologique à la réinvention sociale ». C’est précisément une manière de mettre en avant l’importance des pratiques. C’est une façon de dire que si le Libre propose une utopie, ce n’est pas au sens où il aurait construit de manière théorique l’idéal achevé et clos de la meilleure des sociétés possibles. C’est à travers l’écriture de bouts de code, l’expérimentation dans l’organisation des projets collectifs, la création de nouvelles licences ou le bidouillage de certains objets que se dessine, de manière un peu impressionniste, quelque chose de différent. Parler de « bricolage » et de « réinvention » permet d’insister sur cette dimension très concrète et empirique du projet de transformation sociale dont le Libre est porteur.
Dans le même ordre d’idées, je trouve le terme de « révolution sociale » intéressant par contraste avec celui de « révolution politique ». Il souligne que les libristes adhèrent dans leur très grande majorité à une vision du changement social « par en bas » (bottom-up), indépendamment de la conquête des lieux du pouvoir politique. Ils partagent cette idée que les individus peuvent changer les choses en s’auto-organisant, sans qu’il y ait besoin de « prendre le palais d’Hiver ». Adrian Bowyer, le créateur de la Rep Rap, illustre bien cet état d’esprit lorsqu’il dit que son imprimante 3D permet une réappropriation des moyens de production qui fait l’économie de la révolution politique et de ses dangers.
Malgré tout, le terme de « révolution » est peut-être un peu excessif, optimiste ou prématuré. Le Libre est loin d’avoir gagné. Et par ailleurs, il est, sur certains points, plus réformiste que révolutionnaire. Sa dimension utopique est parfois contrebalancée par une dimension plus conservatrice.
Tu penses au débat entre « free software » et « open source » ?
Notamment mais pas uniquement. Disons que quand Google, Amazon ou Free utilisent des logiciels libres, je ne suis pas sûr qu’on puisse parler de révolution. Ce que montre l’économie open source, c’est l’habileté de certaines entreprises à réduire leur coût en mutualisant une partie de leur R&D, ou à commercialiser des services (personnalisation, maintenance, formation, etc.) à partir de logiciels libres dont elles n’ont souvent pas payé le travail d’écriture. On est ici au cœur des nouveaux business models du « capitalisme cognitif » plus que d’une « révolution sociale ».
Tu as déjà suggéré la réponse, mais je te pose quand même la question : es-tu « free software » ou « open source » ?
Je suis plutôt « free software ». C’est une manière de présenter les choses qui me semble beaucoup plus riche et intéressante, quand bien même on n’est pas d’accord avec tout ce que dit Stallman. Le discours de l‘open source, qui s’est le plus souvent résumé à dire « nous sommes pragmatiques, nous n’avons pas d’idéologie », m’énerve. C’est faire comme si les choix technologiques n’étaient pas des choix de société, comme si les technologies étaient neutres et devaient être jugées simplement en fonction de leur « efficacité ». C’est se placer dans la position de l’expert, objectif et détaché de toutes les questions de valeurs, position qui n’est à mon avis pas tenable dès lors que des questions sociales sont en jeu (et la technique en est une). En fait, ce discours est le plus idéologique de tous car il occulte qu’il y a toujours des choix à faire, et que ces choix engagent forcément des valeurs et des prises de position.
La posture du free software, qui se présente comme un « mouvement social », me semble bien plus cohérente. Un des coups de génie de Stallman est d’avoir compris que l’enjeu était la liberté des gens plus que celle des logiciels et d’avoir présenté le free software comme une critique de certaines pratiques sociales à travers la question informatique. Cela donne lieu à des réflexions beaucoup plus stimulantes sur la technologie, sur les bénéfices sociaux liés au partage du code, à la circulation de l’information, etc. Il n’empêche que Stallman dit aussi des choses que je ne trouve pas pertinentes. Quand il suggère que l’utilisation de logiciels propriétaires est une faute morale et qu’il ramène Kant et son impératif catégorique dans le débat, je ne le suis plus. Je ne me sens pas irrémédiablement souillé dès lors que j’utilise un logiciel non libre. De plus, on pourrait sans doute laisser le vieux Kant là où il est dans la mesure où les questions sont plus politiques que morales. Ce qui est jeu, c’est le rapport des gens à la technique, le contrôle sur les données personnelles, la limitation du pouvoir des grandes entreprises informatiques comme Apple. Ce sont des questions de société, qu’on ne gagne à mon avis rien à présenter sous un angle moral. Le free software a pour objet la liberté, question politique par excellence, non le Bien en tant que question morale.
Mais alors, le logiciel libre, il est de gauche ou pas ?
D’un point de vue strictement sociologique il est sans doute ni de droite ni de gauche, dans la mesure où on rencontre tous les profils politiques parmi les contributeurs aux logiciels libres. Plus généralement, les mouvements liés au numérique (le Libre mais aussi les Anonymous, les partis pirates, les collectifs comme La Quadrature du Net) sont assez difficiles à analyser à partir d’une polarisation droite/gauche. D’une certaine manière, ils rejouent ce qui s’est passé il y a quelques décennies avec l’émergence de l’écologie politique : en mettant en avant de nouvelles questions, ils brouillent les clivages politiques préexistants.
Ensuite, il existe indéniablement certains éléments qui font pencher le logiciel libre, du moins dans sa version free software, vers la gauche. L’activisme des libristes (que ce soit contre les brevets logiciels, Hadopi, ACTA, peut-être TAFTA bientôt) se comprend la plupart du temps comme une lutte contre l’appropriation de certains biens informationnels par les multinationales, qui ont ces dernières années réussi à tordre le droit de la propriété intellectuelle dans le sens de leurs intérêts. Ce combat contre le « capitalisme informationnel » (comme l’appelle Philippe Aigrain) est plutôt marqué à gauche. Par ailleurs, une part de ce qui se joue dans l’open hardware, le design libre ou l’open source ecology fait clairement écho à des projets politiques de gauche. Quand on parle de se réapproprier certains savoir-faire pour relocaliser la production, rompre avec la consommation industrielle de masse et les logiques d’obsolescence programmée, on est dans la continuité de ce que pouvaient prôner des penseurs radicaux comme André Gorz. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce dernier s’est beaucoup intéressé au logiciel libre et à la fabrication personnelle à la fin de sa vie. Il y voyait les moyens techniques de concrétiser l’utopie décentralisatrice qu’il n’avait cessé de défendre.
Tu parles donc de « politiques » du Libre au pluriel dans ton livre, mais du Libre au singulier et avec une majuscule. Pourquoi ce choix ?
Le Libre, c’est pour marquer que je désigne quelque chose qui ne concerne plus uniquement le logiciel mais qui est comme un seul et même continent en expansion. Dans la mesure où c’est un mouvement culturel et social, on peut en dériver plusieurs politiques, d’où le pluriel pour ce dernier terme (et ma difficulté à répondre de façon tranchée à la question précédente).
Dans les remerciements du livre, on trouve le Framablog « source d’information incomparable ». Tu nous en vois flattés. En quoi cela t’a été utile pour la rédaction de cet ouvrage ?
Cela m’a été utile de plein de façons. Vous avez réuni en quelques années un nombre d’articles assez impressionnant sur tous les aspects de la culture libre, y compris des traductions d’articles américains sur lesquels je ne serai probablement jamais tombé sans vous. Rien que pour ça le Framablog a été une mine d’or. Je me suis aussi beaucoup nourri des commentaires et des débats plus ou moins « trollesques » auxquels les articles donnent lieu. Ça m’a permis, je l’espère, de mieux capturer l’esprit du Libre mais aussi certaines nuances dans le sens que différentes personnes donnent à leur engagement.
Dernière question : tu as donc observé la communauté « libriste », aurais-tu un conseil à lui donner pour que ses principes, ses valeurs et ses idées pénètrent plus encore la société ?
Un conseil qui me semble assez évident, c’est de se mettre à la place de l’utilisateur non-technicien, vous en savez quelque chose à Framasoft. Peut-être que les libristes ont parfois encore un peu de mal à comprendre que les autres ne comprennent pas, et à mesurer la difficulté qu’il y a à quitter un environnement technologique fermé mais confortable pour des solutions libres dont l’utilisation réclame souvent quelques efforts. Et puis il peut y avoir chez certains une pointe d’élitisme, éventuellement de snobisme, liée au fait d’avoir connaissance de choses que les autres ignorent ou d’avoir des compétences (en informatique notamment) qui semblent complètement ésotériques pour la plupart des gens. Cela a parfois un effet excluant. D’une certaine manière, les libristes rencontrent une question qui se pose plus ou moins à toutes les contre-cultures. Soit ils restent dans l‘underground, fiers de leurs spécificités et de leur singularité. Soit ils font un pas vers le mainstream, mais au risque de voir se diluer ce qui les distinguait du tout-venant. Malgré ce dilemme bien connu, il me semble qu’il y a d’autres manières pour le logiciel libre de mettre un pied dans le mainstream que la manière molle et dépolitisée de l‘open source.
-> Utopie du logiciel libre - Du bricolage informatique à la réinvention sociale
Extrait audio de La matinale du Mouv’ du 25 novembre Le logiciel libre, nouvelle révolution ? avec Sebastien Broca et Alexis Kauffmann.
À la veille des fêtes de fin d’année, la Free Software Foundation de Richard Stallman vous propose sa « liste au Père Noël ». Elle est constituée d’alternatives libres à d’autre cadeaux, peut-être beaux et pratiques, mais qui vous fait perdre le contrôle de leurs usages
On notera que la liste dépasse le strict cadre du logiciel.
Nous y ajouterions bien une petite suggestion francophone : soutenir Framasoft, puisque nous sommes en (cruciale) campagne de dons.
Zak Rogoff - 20 novembre 2013 - FSF.org
(Traduction : Peekmo, MFolschette, bouddharejoui, Jean-Marc Gailis, lamessen, Slamino, frash, Paul, Spanti Nicola, Asta, Sky)
Offrirez-vous à vos proches des cadeaux qu’ils peuvent utiliser librement, ou des cadeaux qui permettent à d’autres d’en avoir le contrôle ?
Les appareils électroniques sont des cadeaux populaires pour les fêtes, mais les gens négligent souvent les restrictions que les fabricants glissent dans le papier d’emballage. Des sociétés comme Microsoft et Apple peuvent utiliser et utiliseront des verrous numériques (appelés DRM, Digital Restrictions Management en anglais) afin d’éviter que vos proches ne partagent les applications de l’ordinateur portable que vous leur avez offert ou ne remixent des chansons sur leur nouvel iPad coûteux.
Si le destinataire de votre cadeau est aussi malchanceux que cette femme l’an dernier, Amazon pourrait même bloquer tous les livres sur son Kindle et refuser d’expliquer pourquoi. Les entreprises veulent que nous acceptions cette sorte de contrôle intrusif, mais quand on y pense, c’est immoral.
La bonne nouvelle est que, pour chaque appareil qui utilise un DRM ou possède un « bouton d’arrêt » à distance comme le Kindle, des sociétés avec plus d’éthique en ont conçu un meilleur, sans restrictions DRM et que vos proches pourront librement utiliser quelles que soient leurs envies.
Vous trouverez ci-dessous une liste non exhaustive de ces cadeaux plus judicieux, comparés à leur équivalent plus connu mais plus restrictif. Au cours de votre lecture, gardez en mémoire que faire un don au nom de votre ami ou d’un membre de votre famille est au moins aussi significatif que de leur acheter un appareil électronique.
Voici quelques-uns de nos organismes solidaires préférés : l’Electronic Frontier Foundation, Creative Commons, Wikimedia Foundation, Software Freedom Conservancy, Software Freedom Law Center, GNOME Foundation et Free Software Foundation.
Dans chaque catégorie les cadeaux du haut respectent davantage votre liberté que ceux d’en bas.
Partagez ce « guide des cadeaux » avec vos amis et les membres de votre famille, plus particulièrement ceux qui pourraient vous en offrir un ! (Nous utilisons le hashtag #givefreely)
Si vous avez d’autres idées de cadeaux qui peuvent être offerts librement, soumettez-nous vos recommandations.
Crédit photo : Jimmie Home Schoolmom (Creative Commons By)